Renault 4L Sinpar Commando Marine: Une Voiture 4×4 Légère pour l’Armée Française

Renault 4L Sinpar Commando Marine

Lors des années 1950 et 1960, les services aéroportuaires de la Marine française manquaient de véhicules facilement transportables par air. Ces véhicules étaient nécessaires pour assurer un transport rapide des soldats d’infanterie de la marine par hélicoptère.

Pour résoudre ce problème, une solution surprenante a été trouvée en utilisant la populaire et légère Citroën 2CV, qui a été lourdement armée avec un canon automatique de 20 mm MG151 ou un canon sans recul M20 de 75 mm. Cependant, il ne s’agissait que d’une conversion unique, pas d’un véhicule proposé par un fabricant. Quelques années plus tard, une solution similaire basée sur la Renault 4L, la seule voiture légère et abordable disponible en France et dépassant la 2CV en termes de production, a été proposée aux services français. Bien qu’elle ait été formellement rejetée par l’armée française, dix exemplaires ont été acquis par les Commandos Marines de la Marine française.

La Renault 4 : L’autre voiture économique française de l’après-guerre

Dans l’imaginaire collectif, quand on pense à une voiture économique française excentrique des années d’après-guerre, la Citroën 2CV vient immédiatement à l’esprit. Ce véhicule au look caractéristique, introduit en 1948, bien que les prototypes remontent à 1939, a connu un succès retentissant et est peut-être la voiture française la plus célèbre de l’histoire.

Cependant, une autre voiture économique, moins connue (surtout dans le monde anglophone que dans le monde français), a suivi plus d’une décennie après la 2CV et a connu un succès encore plus grand. Il s’agit de la Renault 4, généralement connue sous le nom de 4L, qui est rapidement devenue le modèle le plus populaire. Introduite en 1961, cette voiture à traction avant était la première voiture à hayon de production de masse au monde. Elle était proposée avec une version encore moins chère, la R3, qui était moins chère que la moins chère des versions de la 2CV, mais qui n’a jamais connu un grand succès. Comme la 2CV, la 4L était également proposée en versions utilitaires qui étaient également très populaires. Les versions utilitaires étaient à deux portes, tandis que les versions civiles étaient à cinq portes (dont le hayon).

Renault 4L Sinpar Commando Marine
Une image classique d’une 4L. Ce véhicule était la voiture familiale française typique et abordable de l’époque. Source: autonews

La Renault 4 était équipée d’un moteur 4 cylindres à refroidissement liquide de 747 cc (à partir de 1963, un moteur de 845 cc a également été proposé), avec une variété de carburateurs, ce qui permettait de régler la puissance entre 27,6 et 30 chevaux, selon la version. Conçue pour offrir une voiture économique plus performante que la 2CV, la R4 a réussi brillamment. Alors que la petite 2CV ne dépassait pas les 70 km/h sur une bonne route, la R4 pouvait atteindre plus de 100 km/h. Sa suspension à barre de torsion ne nécessitait aucun entretien régulier, la voiture avait un design simple mais plus grand, avec un hayon offrant plus d’espace de chargement pratique et des sièges plus confortables pour les passagers. Le seul aspect de la voiture qui était généralement jugé obsolète par rapport à la 2CV était sa transmission à trois vitesses. Le passage à une transmission à quatre vitesses aurait lieu en 1968.

Malgré sa transmission à trois vitesses, la 4L s’est révélée être un énorme succès. Elle a été la voiture la plus vendue en France de 1962 à 1965, puis à nouveau en 1967 et 1968, établissant sa suprématie sur le marché des voitures économiques. Elle est restée une voiture courante sur les routes françaises pendant de nombreuses années. Régulièrement mise à jour, sa production n’a pris fin qu’en 1992. Avec plus de 8 millions d’unités produites, la 4L est la deuxième voiture française la plus produite de l’histoire, derrière la plus récente Peugeot 206, et la plus produite du XXe siècle. Même aujourd’hui, la voiture est encore assez courante sur les routes françaises, peut-être plus que la 2CV, car les modèles plus récents de 4L sont plus adaptés à une utilisation moderne.

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Une Renault 4 à quatre roues motrices : La fièvre des rallyes et la 4L Sinpar

Les compétitions automobiles de rallye étaient particulièrement populaires en France dans les années 1950 et 1970 et voyaient s’affronter des véhicules de toutes sortes de catégories.

Les véhicules participant aux rallyes étaient généralement des versions modifiées de voitures civiles. La Citroën DS, par exemple, est bien connue pour ses succès en rallye tout au long de sa carrière. Étant une voiture populaire de l’époque, la 4L n’était pas exemptée de telles modifications et pouvait concourir dans des catégories plus légères.

À cette époque, les véhicules de rallye étaient généralement modifiés par de petits fabricants privés, en se basant sur un véhicule de série, avec l’approbation, voire en coopération avec le constructeur principal. Pour la 4L, le véhicule de rallye a été créé par Sinpar.

Fondée en 1946, Sinpar (Société Industrielle de Production et d’Adaptation Rhodanienne – Société Industrielle de Production et d’Adaptation Rhodanienne) était spécialisée dans la modification des châssis de camions pour les rendre 4×4, 6×6 et 8×8, ainsi que dans des modifications similaires sur les voitures, ce qui était bien connu du grand public. Sinpar travaillait beaucoup sur les véhicules Renault et certaines modifications de Sinpar des designs de Renault étaient même vendues à l’armée française, comme une version 4×4 du camion Renault Goëlette.

Dès que la Renault 4 est devenue disponible, Sinpar a commencé à travailler sur une version 4×4, qui a été présentée pour la première fois en octobre 1962 au Salon de l’automobile de Paris. Les véhicules Sinpar modifiés étaient distribués par Renault. Il ne semble pas y avoir eu de conversion de Renault 4 de 747 cc par Sinpar, et il semble qu’ils se soient plutôt tournés vers les véhicules de 845 cc ainsi que des modèles plus puissants par la suite. Le kit pouvait être appliqué indifféremment aux modèles de voitures et d’utilitaires. Le véhicule qui serait finalement proposé à l’armée française, bien qu’il puisse avoir l’apparence d’une voiture, était en réalité basé sur le modèle utilitaire.

La variante Sinpar a modifié un certain nombre de pièces sur la Renault 4. Le véhicule utilisait un arbre de transmission allongé et une sortie de couple conique spécifique. Les véhicules étaient équipés de trois arbres de transmission et utilisaient des bras de suspension arrière modifiés pour accueillir les arbres de transmission. Le réservoir de carburant était déplacé vers l’arrière, prenant la place de la roue de secours, qui était elle-même déplacée à l’intérieur du véhicule. Le véhicule 4L Sinpar pouvait toujours être utilisé en 2 roues motrices classiques et pouvait passer en 4 roues motrices grâce à un bouton sur le tableau de bord. Comme il s’agissait de conversions et non de véhicules 4×4 spécialement conçus, il était recommandé d’utiliser la transmission à 4 roues motrices avec précaution. La principale utilisation de la transmission à 4 roues motrices était de rouler à vitesse modérée sur un terrain glissant ou dangereux, ou de franchir un terrain impraticable en 2 roues motrices à très faible vitesse. Il était fortement recommandé de ne pas utiliser la transmission à 4 roues motrices en troisième vitesse, ni généralement sur tous les terrains où la propulsion à 2 roues motrices était suffisante, car cela pourrait entraîner une usure significative. Cependant, lorsque la propulsion à 2 roues motrices ne suffisait pas, la transmission à 4 roues motrices permettait à la voiture économique de Renault de faire preuve d’une agilité et de capacités de franchissement assez surprenantes.

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Renault 4L Sinpar Commando Marine
Une Renault 4L Sinpar utilisée par la gendarmerie française. En raison du coût plus élevé par rapport à une 4L standard, les clients particuliers étaient assez rares pour les véhicules Sinpar. Source: R4L.com

La transformation Sinpar a représenté une augmentation significative du prix d’une Renault 4L. Une 4L de base coûtait 6 350 francs, et l’ajout du kit Sinpar faisait monter le prix de 3 988 francs supplémentaires. La plupart des clients privés n’étaient pas intéressés par cette modification à un tel coût, et par conséquent, les principaux clients de la 4L étaient des entreprises et des organismes officiels.

Sinpar Torpédo

Conscients de l’existence de la 2CV GHAN1 quelques années plus tôt et du manque général de véhicules aéroportés pour la Marine française, Renault et Sinpar ont vu une opportunité que leur véhicule pourrait remplir. Comme la 2CV, la 4L était une voiture particulièrement légère, avec un poids variant de 600 à 750 kg selon la configuration. Avec quelques modifications, peut-être que le poids pourrait être réduit encore davantage.

Pour atteindre le poids très bas souhaité pour un véhicule militaire aéroporté, Renault a modifié un modèle utilitaire de 4L. Toute la partie arrière de la voiture, plus haute que le capot moteur avant, a été en grande partie retirée pour gagner du poids. Cependant, le besoin de protection contre les éléments n’a pas été complètement négligé. La version Torpédo adoptait un pare-brise rabattable qui pouvait être relevé ou reposé à quelques centimètres au-dessus du capot moteur. Une bâche pouvait être placée sur ce pare-brise, avec des points d’attache à l’arrière de la carrosserie du véhicule, afin de protéger les passagers et la cargaison des intempéries. La version Torpédo de la 4L ne conservait que les deux sièges de la version utilitaire, et à l’arrière se trouvait une zone de rangement, qui servait à transporter des soldats ou du matériel. Elle était équipée de petites banquettes sur les côtés pour le personnel.

Renault 4L Sinpar Commando Marine
La version civile de la Renault 4L Sinpar Torpédo, proposée à partir de 1964, bien qu’elle n’ait pas connu un grand succès. Source: Le Progrès

Renault 4L Sinpar Commando Marine
Vue de dessus d’une 4L Sinpar Torpédo. Les banquettes laissent penser à un véhicule militaire, mais le véhicule ne possède pas les bras oscillants pour les points de montage aéroportés. Il s’agit peut-être du prototype qui a été proposé à l’armée française, avant les modifications spécifiques pour les Commandos Marines. Source: lautomobileancienne.com

En 1964, deux 4L Sinpar ont été présentées lors du Rallye des Cimes, épreuve assez populaire, dans la catégorie des moins de 1 000 cc. L’une de ces voitures était une 4L avec une carrosserie de voiture standard, tandis que l’autre avait une carrosserie de type “armée française”. C’est apparemment la première apparition connue de la 4L Sinpar militarisée. En concurrence avec plusieurs autres véhicules, dont une Willys MB et un Land Rover, les véhicules Sinpar ont réussi à terminer l’épreuve en première place et ont laissé une impression durable sur le public présent.

Probablement à la même époque, la 4L Sinpar Torpédo a été proposée à l’armée française. Cependant, pour des raisons peu claires, l’armée française ne l’a pas formellement acquise. Étant donné que le véhicule était une voiture civile convertie, il manquait probablement de la robustesse des véhicules comme un jeep, qui serait très nécessaire pour un véhicule mobile aéroporté.

Les Sinpar pour les Commandos Marines

Le refus de la 4L Sinpar par les autorités militaires françaises n’a cependant pas empêché la vente de véhicules aux services de l’armée française. En effet, les Commandos Marines de la Marine française ont montré un certain intérêt pour le véhicule, en achetant quatre exemplaires en 1965 et six autres en 1966.

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Renault 4L Sinpar Commando Marine
Vue avant d’une 4L Sinpar des Commandos Marines avec les bras de montage aéroporté levés. Source: O Globo

Renault 4L Sinpar Commando Marine
Vue latérale d’une 4L Sinpar des Commandos Marines. Source: Milinfo

Les Commandos Marines sont un service d’élite de la Marine française. Considérés comme les successeurs directs des Commandos Kieffer de la France libre qui ont participé au Débarquement de Normandie, le service était composé de cinq groupes de combat, dont quatre étaient généralement spécialisés dans les opérations aéroportées et la libération d’otages, basés à Lorient, et un cinquième était spécialisé dans les opérations sous-marines sur la côte méditerranéenne. Le service est globalement assez restreint, avec un effectif maximal d’environ 600 membres. Les 4L Sinpar ont été achetées pour une utilisation à Lorient, peut-être en raison de l’intérêt d’un commandant local ou pour des expérimentations.

Les 4L Sinpar utilisées par les Commandos Marines de la Marine française présentaient quelques modifications supplémentaires par rapport à la Torpédo utilisée lors du Rallye des Cimes en 1964. La modification la plus remarquable est les deux “bras” pivotants sur les côtés du véhicule, au niveau des sièges. Il s’agissait de points d’attache pour les câbles permettant de suspendre le véhicule sous un hélicoptère, avec probablement d’autres points d’attache à l’arrière du véhicule et peut-être à l’avant du capot moteur. Malheureusement, aucune photo connue d’une 4L Sinpar en suspension dans les airs n’existe, et on ne sait pas si cette expérience a jamais été réalisée.

Les véhicules étaient également connus pour être équipés d’un support pour une mitrailleuse. Étant donné la période, il s’agirait probablement d’une mitrailleuse AA52 de 7,5 mm. Cependant, aucune photo ne montre les véhicules armés, et il est probable que ces mitrailleuses n’étaient montées que lors des opérations.

Renault 4L Sinpar Commando Marine
L’un des véhicules pendant son service avec les Commandos Marines à Lorient. Source: lautomobileancienne.com

Renault 4L Sinpar Commando Marine
Vue de côté d’une 4L Sinpar des Commandos Marines. Source: Milinfo

Les véhicules étaient peints dans une couleur verte de l’armée française. Les marquages semblaient se limiter à une plaque d’immatriculation de l’armée française, ornée d’un drapeau français à droite, d’une plaque d’immatriculation au milieu et d’une ancre à gauche. Jusqu’à présent, les plaques d’identification de deux véhicules ont été vues, 4610274 et 4610275. En plus de la plaque d’immatriculation, “Commando Marine” était inscrit en lettres blanches sur la barre inférieure du pare-brise.

Conclusion – Un véhicule unique au service méconnu

La vie opérationnelle des quelques 4L Sinpar achetées par les Commandos Marines français reste assez mystérieuse. On sait peu de choses sur ce qui a été fait et expérimenté sur ces véhicules, mais ils n’ont probablement jamais été utilisés de manière opérationnelle. De même, la durée de leur service est inconnue. Compte tenu de la faible quantité achetée, cela a peut-être été de courte durée, mais compte tenu de la nature très particulière des Commandos Marines et de la grande disponibilité des pièces pour les véhicules 4L civiles, l’entretien n’aurait probablement pas été un problème majeur.

Aucun exemplaire n’a survécu jusqu’à aujourd’hui. Au moins une réplique semble exister et a été présentée lors de certains salons de voitures classiques en France.

Renault 4L Sinpar Commando Marine
Une réplique de la 4L Sinpar Commando Marine lors d’un défilé de véhicules militaires à Cholet, en France. Source: flickr

Renault 4L Sinpar Commando Marine
La Renault 4L Sinpar, illustrée par Godzilla et financée par notre campagne Patreon

Spécifications de la Renault 4L Sinpar Commando Marine

  • Longueur ~3,6 m
  • Largeur ~1,485 m
  • Moteur : moteur essence Billancourt 4 cylindres de 845 cc produisant 30 chevaux
  • Vitesse maximale : environ 100 km/h
  • Suspension : Barres de torsion
  • Transmission : 2 roues motrices avec possibilité de passer en 4 roues motrices
  • Boîte de vitesses : 3 rapports avant + 1 marche arrière
  • Poids : probablement autour de 600 kg ou moins
  • Équipage : un conducteur
  • Passagers : un passager assis à l’avant et probablement quatre dans la zone de rangement arrière
  • Armement : une mitrailleuse optionnelle (probablement une AA52 de 7,5 mm)
  • Protection blindée : aucune

Sources