Renault Floride et Caravelle : Deux voitures originales chez un constructeur généraliste

Renault Floride et Caravelle : Deux voitures originales chez un constructeur généraliste

Lorsque l’on pense aux coupés et cabriolets français, on se réfère généralement aux versions proposées par les différents constructeurs, basées sur les voitures de leur gamme existante. Cependant, on oublie souvent que certains constructeurs se sont lancés dans la fabrication de modèles spécifiques. Renault, le premier constructeur français des années 50 et 60, n’a pas fait exception à cette règle. Aujourd’hui, nous vous racontons l’histoire des Renault Floride et Caravelle.

Les Renault Floride et Caravelle en bref

Apparues à la fin des années 50, ces voitures étaient à la fois des coupés et des cabriolets. En réalité, leur appellation variait en fonction du marché de destination. En Europe, on trouvait la Floride, tandis qu’aux États-Unis, marché pour lequel ces voitures étaient conçues, on trouvait la Caravelle. Par la suite, le nom a différencié le coupé du cabriolet, avant que seule la Caravelle ne subsiste.

Construites sur la base de la Renault Dauphine, elles partageaient la même mécanique avant de recevoir le moteur Cléon-Fonte. Leur production a perduré jusqu’en 1968.

Une genèse franco-américano-italienne mouvementée

Tout a commencé en 1956, bien loin de Boulogne. Pierre Dreyfus, le patron de Renault, était en voyage aux États-Unis avec Fernand Picard. Ils étaient venus voir de leurs propres yeux comment Renault pouvait percer sur le marché américain, où la Dauphine venait tout juste d’arriver. Pour eux, il n’y avait qu’un véritable point de comparaison : Volkswagen, qui vendait de nombreuses Coccinelles sur place. Cette voiture était d’ailleurs récemment accompagnée d’un coupé, puis d’un cabriolet Karmann-Ghia, qui avait donné une nouvelle image au constructeur.

Cette recette était si réussie qu’elle allait être copiée. Et cela tombait bien, Ghia avait déjà travaillé avec Renault pour la nouvelle Dauphine. C’est d’ailleurs Ghia qui a pris en charge la construction de la nouvelle voiture, pour l’instant connue sous le nom de Projet 1092. La voiture devait être belle, tout en conservant des dimensions contenues. Elle devait bien sûr être la moins chère possible, mais surtout plaire aux Américains, en particulier à une clientèle jeune et féminine.

Ghia a alors beaucoup travaillé avec Virgil Exner, et c’est lui qui a réalisé les premières esquisses avant que le bureau de Ghia ne retravaille le tout et ne propose à Renault un modèle en argile. Le résultat a été satisfaisant, et le constructeur a donné son accord pour la production d’un prototype. Mais Ghia a décidé de sous-traiter ce travail. C’est Pietro Frua qui a été chargé de cette tâche, et c’est là que les ennuis ont commencé.

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Pietro Frua, qui venait de fermer sa carrosserie, était maintenant concentré sur le design. Ghia avait d’ailleurs un contrat d’exclusivité avec lui, bien qu’il ne fasse pas réellement partie de l’entreprise. Il a retravaillé les dessins transmis par Ghia et a créé un prototype très rapidement. Une fois cela fait, il a contacté Ghia sans obtenir de réponse. Il a ensuite posé les mêmes questions à Renault, sans plus de succès. Sa Dauphine GT était pourtant prête à être exposée, et elle l’a été.

Nous sommes alors au salon de Genève en mars 1958. La Dauphine GT est exposée sur le stand de Ghia-Aigle, filiale suisse de l’italienne dont elle est désormais indépendante. Avant l’ouverture du salon, Dreyfus découvre cependant la voiture et en colère, il demande à Luigi Segre, le patron de Ghia, de régler cette affaire. Renault n’avait pas prévu de révéler sa nouveauté avant le salon de Paris, à l’automne. Cependant, la voiture est exposée sur le stand suisse… et le projet s’accélère.

La Renault Floride arrive

À l’automne, la Renault Floride est présentée sur le stand de Renault. Le design a été modifié entre la Dauphine GT et cette nouvelle voiture, et cette fois-ci, c’est le style Renault qui s’en est chargé. On mentionne bien la participation d’un groupe italien, mais l’incident de Genève a laissé des traces et ni Frua ni Ghia ne sont clairement mentionnés.

La nouvelle voiture se décline en trois versions : un cabriolet, une version hard-top et un véritable coupé. Sur le plan technique, rien de révolutionnaire, puisqu’on a repris la plateforme de la Dauphine. Le moteur Billancourt de 845 cm³ de la Dauphine Gordini et ses 40ch se trouvent évidemment à l’arrière de cette voiture qui atteint une vitesse de pointe de 125 km/h.

La Renault Floride est une voiture très européenne dans sa définition et bien placée en termes de prix. Elle a été très bien accueillie par la presse et la clientèle. Entre sa présentation et le début de l’année 1959, 8 000 précommandes ont été enregistrées. La production a donc été lancée.

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Moins chère que ses concurrentes chez Simca, les Océane et Plein Ciel, la Renault Floride n’a pour autant pas rogné sur les coûts liés à l’industrialisation. Tout comme les Simca, qui étaient fabriquées chez Facel, Renault a dû faire appel à des sous-traitants pour contourner la saturation des usines de l’Île Seguin et de Flins. Ainsi, Chausson fabriquait les caisses et Brissonneau & Lotz assemblait les voitures.

Les premières Renault Floride ont été livrées à l’été 1959.

La Renault Caravelle : voguer vers les États-Unis

Il ne faut pas oublier que l’objectif initial du Projet 1092 était de percer sur le marché américain. Entre le début du projet et la fin de l’année 1958, la Dauphine commençait à s’y faire une place. En janvier 1959, lors de la foire de New York, la Renault Caravelle a été dévoilée. Son nom a été adapté pour le marché américain, mais il s’agissait de la même voiture sur le plan technique.

Bien positionnée en termes de prix (moins de 4000 $), elle était présentée comme une voiture sportive malgré sa petite taille. Cependant, il fallait être patient car les livraisons ne débutaient réellement qu’à l’automne 1959.

La belle carrière des Renault Floride et Caravelle

Les chiffres de vente des deux voitures ont été analysés après la première année complète de commercialisation. Avec 36 156 exemplaires vendus en 1960, c’était un succès.

Cette année-là, elles ont reçu la suspension aérostable, la même que la Dauphine, qui consistait en l’ajout de silentblocs en caoutchouc sur le train avant. Le confort s’est donc amélioré.

En 1961, la principale évolution concernait le système de freinage, qui a reçu un répartiteur. Par contre, le marché américain s’est refermé pour Renault. Les Dauphine et Caravelle ne se vendent plus aussi bien là-bas, et en Europe, les chiffres ont également baissé une fois l’effet de mode passé.

La Renault Floride n’était pas spécialement destinée au marché européen, mais elle a dû s’y rabattre et répondre aux critiques. La principale critique concernait le moteur.

C’est ainsi qu’au salon de Genève en 1961, la Renault Floride S et la Caravelle sont les toutes premières voitures à être équipées du tout nouveau moteur “Sierra”, également connu sous le nom de Cléon-Fonte, quelques mois avant son apparition dans la Renault 8. Ce moteur de 956 cm³ offre une puissance de 51ch. Bien qu’il ne soit pas très puissant, il permet aux voitures de dépasser les 135 km/h, ce qui est perceptible. Le moteur est associé à une boîte de vitesses à 4 rapports (ou à 3 rapports automatiques) et à un circuit électrique en 12V, ainsi qu’à l’adoption de freins à disque sur les quatre roues. Une belle évolution !

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De plus, la Renault Caravelle est également disponible sur le marché européen. En réalité, on a décidé d’appeler le cabriolet Floride et le Coupé Caravelle. On reconnaît ces voitures à la disparition de l’aération latérale, remplacée par un capot arrière ajouré.

Cependant, l’appellation Floride ne survivra pas. En 1963, seule la Renault Caravelle est restée sur le marché. Et on en a profité pour améliorer encore les performances. Cette fois, elle est équipée du moteur Cléon de 1108 cm³, emprunté à la R8 Major. Avec 55ch sous le capot et une boîte de vitesses entièrement synchronisée, cette voiture n’est plus une Caravelle, mais une Caravelle 1100.

La voiture existe toujours en deux versions : un cabriolet et un coupé.

L’année suivante, le coupé disparaît, mais la voiture est toujours proposée avec un hard-top. La dernière grande évolution arrive en 1965. Le cabriolet devient Renault Caravelle 1100S et atteint une puissance de 55ch sans modifier la cylindrée. C’est également la première fois que le logo Renault est visible à l’arrière de la voiture.

La voiture a vécu pendant 3 ans sous cette forme. Les commandes étaient faibles, et son histoire s’est terminée en juillet 1968. En près de 10 ans de carrière, 117 039 exemplaires ont été construits. C’est un succès si l’on considère le positionnement de ce modèle… mais qui reste entaché par l’échec aux États-Unis.

Les Renault Floride et Caravelle de nos jours

Ce sont des voitures sympathiques à conduire. Notre avis se base sur un road-trip réalisé avec une Caravelle 1100, qui se démarque déjà des premières voitures et de leur “petit” moteur.

Lorsque l’on regarde les prix, on se rend compte que les moteurs 956 et 1100 avec de meilleures performances sont plus recherchés et donc plus chers. De même, les versions coupés sont moins chères que les cabriolets, comme c’est généralement le cas.

L’avantage de ces voitures, c’est que les pièces détachées se trouvent facilement, car elles sont basées sur la bonne vieille Dauphine. Certains éléments spécifiques, notamment en carrosserie, peuvent parfois être plus difficiles à trouver, mais le club Floride Caravelle France propose des reproductions.

Photos supplémentaires : l’Automobile Ancienne