Qui aurait pu imaginer en 1976 l’impact qu’aurait la VW Golf GTI ? Cette première compacte sportive moderne a créé une nouvelle catégorie de voitures, mettant ainsi fin aux coupés de grande série en Europe. Cependant, chez Renault, on travaillait déjà sur le successeur des R15/R17, justement des coupés de grande série. Les designers, dirigés par Robert Opron, ancien de Citroën, ont créé un design extrêmement moderne, avec notamment une lunette arrière en forme de bulle, non pas pour imiter la Porsche 924, mais en référence à la Jensen Interceptor que Bernard Hanon, le patron de la Régie, affectionne.
A son lancement en 1980, la Renault Fuego séduit par sa ligne moderne et aérodynamique (Cx de 0.34). Mais elle n’est rien de sportif, s’agissant grosso modo d’une R18 à 3 portes.
Malheureusement, malgré un design avant-gardiste, la plateforme choisie reste très conventionnelle, voire simpliste. En effet, il s’agit de celle de la future R18, une évolution de la R12 lancée en 1969. Elle est donc dotée de la traction, d’un moteur en position avant et d’un essieu arrière rigide. Malgré cela, lors de sa sortie, la voiture marque les esprits. La Fuego est la première Renault à abandonner la numérotation et surprend par sa ligne.
Presque avant-gardiste et très aérodynamique, elle tranche complètement avec les productions de Billancourt, annonçant ainsi les futures R11 et surtout R25. Malheureusement, en plus de sa base peu attrayante, malgré un train avant à déport négatif hérité de la R20 diesel et un renforcement général de la suspension par rapport à celle de la R18, les moteurs restent quelconques.
Fin 1982, la première Fuego à moteur turbo brûle du gasoil. Un coupé turbo-diesel, c’est alors unique en Europe, mais pas dans le monde car aux USA, Mercedes commercialise une 300 CD Turbo-Diesel.
On retrouve les moteurs Cléon-Fonte de 1,4 L développant 64 ch et Cléon Alu de 1,6 L développant 96 ch. Presque ridicules vu l’apparence de la voiture ! Quelques mois plus tard, le moteur Douvrin de 2,0 L développant 110 ch est ajouté à la gamme. Rien de vraiment sportif. Néanmoins, lors de la première année, environ 75 000 unités sont vendues… Cependant, les ventes diminuent dès 1981. Les petites bombes attirent la clientèle des coupés, et la Renault ne peut absolument pas rivaliser en termes de performances. Même des concurrentes directes telles que les Lancia Beta, Opel Manta et Volkswagen Scirocco sont hors de sa portée.
A l’été 1983, soit plus de deux ans après la R18, la Renault Fuego reçoit un bloc turbo essence, développant cette fois 132 ch. Le lettrage Turbo et les jantes BBS la distinguent des autres versions.
Pire encore, non seulement la Fuego devra attendre fin 1982 pour recevoir un turbo, dont Renault est devenu fervent partisan, mais en plus, il s’agit d’abord d’un moteur diesel, celui des R20/R30. Avec 88 ch, la Fuego devient certes le diesel le plus performant de l’époque, mais elle ne peut rivaliser avec les compactes sportives… Mieux vaut tard que jamais, à l’automne 1983, le coupé au losange bénéficie enfin d’une motorisation en accord avec son image : un moteur turbo essence, plus précisément un Garrett avec une pression de 0.75 bar.
La Renault Fuego Turbo inaugure en 1983 le tableau de bord à casquette chez Renault. Ici, une version dotée de la hifi optionnelle.
Dérivé du moteur 1,6 Cléon Alu de la R18 Turbo, ce moteur est équipé d’un allumage électronique intégral et d’un détecteur de cliquetis, développant ainsi 132 ch, suffisant pour propulser la Fuego à 200 km/h. Plutôt bien ! La suspension est également renforcée, les quatre freins sont à disques (ventilés à l’avant) et de belles jantes en alliage BBS soulignent les nouvelles ambitions de Renault. De plus, elle bénéficie d’un tout nouveau tableau de bord (qui sera repris sur la R18 Turbo en 1984) et d’un équipement complet : vitres électriques (teintées) et rétroviseurs électriques, ordinateur de bord, projecteurs antibrouillard, verrouillage à distance infrarouge, direction assistée…
Sur la lunette arrière, la Fuego Turbo annonce fièrement sa suralimentation. Mais ses voies semblent bien étroites dans cette large carrosserie…
En option, on trouve le cuir et même la chaîne hifi. De plus, à 89 500 francs (soit 30 000 € actuels selon l’Insee), la Fuego Turbo est relativement bien placée. Malheureusement, c’est tardif. Renault s’est forgé une image de voiture tranquille et démodée malgré sa ligne, et la Turbo ne peut pas du tout freiner l’effondrement de ses ventes.
D’ailleurs, au début de 1985, la Fuego est retirée du catalogue. Environ 226 000 unités ont été produites à Maubeuge, ce qui n’est pas si mal, mais qu’aurait-il pu en être si des moteurs puissants avaient été proposés dès le début ? Néanmoins, Renault continue à vendre la voiture en dehors de l’Europe, jusqu’en 1992, en Argentine…
La Renault Fuego Turbo est apparue aux USA dès 1982 ! Son moteur, dépollution oblige, ne dépasse pas 107 ch malgré une alimentation à injection.
Combien ça coûte ?
La cote de la Fuego Turbo augmente lentement. Actuellement, il faut compter 8 000 € pour un exemplaire en bon état, 10 000 € pour une voiture en très bon état et 13 000 € pour un exemplaire vraiment impeccable. Pour une voiture de cet âge, l’état est plus important que le kilométrage.
Quelle version choisir ?
Il n’y en a qu’une, donc optez pour celle dans le meilleur état possible et la plus complète, car certaines pièces spécifiques sont difficiles à trouver.
Les versions collector
Ce sont celles qui ont un kilométrage bas, car cela fait la différence. De plus, évidemment, la voiture doit être en parfait état. Enfin, si elle dispose d’options, c’est un atout considérable. Autant dire que ce type de Fuego Turbo est quasiment introuvable !
Que surveiller ?
Contrairement à ce que l’on pourrait penser des Renault des années 80, la Fuego Turbo se révèle fiable mécaniquement, tant au niveau du moteur que de la transmission. Certes, le turbocompresseur atteint rarement les 100 000 km, mais c’était la norme à l’époque. De plus, l’allumage entièrement électronique et la distribution par chaîne facilitent la maintenance. Cela dit, compte tenu de l’âge de la voiture, il convient de vérifier l’état des durites d’essence et du circuit de refroidissement.
À l’intérieur, les petits accessoires sont fragiles et les sièges peuvent s’affaisser, mais le vieillissement général n’est pas si mauvais. Évidemment, les problèmes électriques peuvent être très agaçants… De plus, la corrosion peut sérieusement attaquer la Fuego (tour de hayon, bas de portière, planchers, ailes, longerons arrière), mais pas plus que n’importe quelle autre concurrente. Toutefois, le problème sera de trouver des pièces spécifiques, car elles ne sont plus fabriquées.
Sur la route
J’ai toujours aimé le design de la Fuego, et je lui trouve maintenant un charme très sympathique typique des années 80. Même le tableau de bord est plutôt agréable. Les sièges offrent un certain confort, et on apprécie le volant réglable en hauteur. Cependant, si vous mesurez plus de 1,80 m, vous avez l’impression d’être assis trop haut. Le volant en cuir, d’excellente qualité, agit sur une direction assistée très réussie, et rapidement on remarque la bonne filtration de la suspension et l’insonorisation plutôt réussie du moteur.
Le tableau de bord de la Renault Fuego Turbo profite d’une instrumentation complète et d’un ordinateur de bord.
Étonnamment, malgré sa souplesse, le moteur a un effet turbo très prononcé. Cependant, c’est plutôt agréable, et à partir de 3 500 tr/min, le turbocompresseur fonctionne à plein régime, ce qui permet d’obtenir des performances très intéressantes. Peut-être même un peu trop pour le train avant, dont la motricité est simplement correcte, sans oublier les remontées de couple dans le volant. En clair, la Fuego Turbo n’apprécie pas les mouvements brusques, surtout qu’elle plonge au freinage.
Heureusement, lors d’une conduite plus détendue, elle se comporte très bien et révèle une tenue de route tout à fait sûre, voire une certaine efficacité. C’est donc une voyageuse rapide et confortable, silencieuse sur autoroute grâce à sa cinquième vitesse longue (36,8 km/h pour 1 000 tr/min), facile à manier dans l’ensemble et en plus économe : 8,5 L/100 km en moyenne.
*L’alternative newtimer*
Renault Laguna Coupé (2008 – 2015)
Originale et élégante, la Renault Laguna Coupé a énormément souffert de son nom. Dommage, car c’était un haut de gamme crédible. Ici en 2008.
Pour son retour aux coupés spacieux, Renault a osé une ligne très belle, inspirée du concept Fluence de 2004. Commercialisée en 2008, la Laguna Coupé surprend agréablement, même si certains détails gâchent l’ensemble, comme l’arrière trop relevé et la calandre en grille de frites. Heureusement, l’offre en essence est intéressante : un moteur turbo de 2,0 L développant 170 ch ou 205 ch et un V6 Nissan de 3,5 L développant 240 ch. Ce sont des moteurs qui garantissent de bonnes performances, tandis que le châssis se révèle redoutablement efficace, même sans les roues arrière directrices.
De plus, le confort est excellent, l’équipement est complet et les prix sont raisonnables. Cependant, les ventes démarrent assez lentement : le nom Laguna porte malheur et Renault ne l’a pas compris. Dommage, car la garantie de 3 ans (ou 150 000 km) est synonyme de bonne fiabilité. Fin 2011, la Laguna Coupé bénéficie d’un léger restylage, puis, en 2013, les moteurs à essence sont supprimés, suivis du V6 dCi en 2014. En 2015, cette Renault atypique disparaît du catalogue, sans être remplacée.
Renault Fuego Turbo (1984) : Fiche technique
- Moteur : 4 cylindres en ligne, 1 565 cm³
- Alimentation : carburateur, turbo
- Suspension : bras superposés, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AV) ; essieu rigide, ressorts hélicoïdaux, barre antiroulis (AR)
- Transmission : boîte manuelle à 5 rapports, traction
- Puissance : 132 ch à 5 500 tr/min
- Couple : 200 Nm à 3 000 tr/min
- Poids : 1 060 kg
- Vitesse maximale : 201 km/h (donnée constructeur)
- 0 à 100 km/h : 9,5 secondes (donnée constructeur)
Pour trouver des annonces de Renault contemporaines de la Fuego Turbo, rendez-vous sur le site de La Centrale.
Les newtimers sont des véhicules récents, emblématiques ou sportifs, dont la valeur augmente. Plus fiables et faciles à utiliser au quotidien, ils tirent leur essor de caractéristiques techniques souvent disparues, comme de gros moteurs atmosphériques.