Shein : Les coulisses peu reluisantes du succès de la marque révélées par l’ONG Public Eye

Shein : l'ONG Public Eye révèle les coulisses peu reluisantes du succès de la marque

L’ONG suisse Public Eye a récemment publié un rapport mettant en lumière les pratiques peu reluisantes de la marque de mode à bas prix Shein. Cette enquête fait suite à une recherche approfondie sur l’origine des produits de la marque. Les résultats, disponibles en français, révèlent une stratégie de sourcing en quantités réduites, effectuée par des structures plus petites qu’on ne l’aurait imaginé. Les conditions de travail précaires dans des locaux mal sécurisés sont également pointées du doigt. Malgré les sollicitations de FashionNetwork, Shein n’a pas encore réagi à ce rapport.

L’ascension fulgurante de Shein en France

En seulement un an, Shein est devenue le sixième vendeur de vêtements en ligne sur le marché français, derrière des géants tels que Zalando, Amazon, Vinted, Veepee et ShowroomPrivé, selon Kantar. Bien que peu connu du grand public, ce site a connu une popularité croissante chez les adolescents et les jeunes adultes grâce à sa mode à bas prix. Il s’inscrit dans la lignée d’Aliexpress, dont la maison mère, Alibaba, a récemment lancé son portail AllyLikes pour contrer la montée en puissance de Shein. Dans ce contexte, Public Eye, une ONG suisse spécialisée dans l’éclairage des zones d’ombre du commerce international, a décidé d’enquêter sur l’origine des produits proposés par Shein. En travaillant avec des organisations de défense des travailleurs en Chine, l’ONG a identifié dix-sept fournisseurs de Shein dans la ville de Guangzhou, un lieu incontournable dans l’industrie textile. Elle a également pu interroger dix travailleurs, dont sept femmes, œuvrant dans six usines.

Des conditions de travail préoccupantes

Les employés interrogés travaillent tous depuis moins d’un an pour leur entreprise et viennent d’autres provinces. Comme c’est souvent le cas dans l’industrie textile chinoise, les industriels font appel à des travailleurs venant de régions où les salaires sont les plus bas. Ces travailleurs cherchent à générer un maximum de revenus avant de retourner dans leurs familles. Dans trois des usines témoignées, la semaine de travail moyenne atteint 75 heures, en contradiction avec le code de conduite publié par Shein et la loi chinoise, qui limite la durée de travail à 40 heures par semaine et 36 heures supplémentaires par mois. En travaillant de cette manière, les travailleurs payés à la pièce gagneraient environ 10 000 yuans (soit 1 370 euros) lors des périodes de forte demande.

Des problèmes de sécurité et des productions variées

L’enquête de Public Eye soulève également des questions quant à la sécurité des lieux de production. Dans le district de Panyu, un village appelé Nancun abrite plus d’une dizaine d’unités de production dans d’anciens immeubles résidentiels. Selon l’un des dirigeants d’usine interrogés, tout le village produirait pour Zoetop, la maison mère de Shein. Les locaux de production sont encombrés de sacs et de rouleaux de tissu, ce qui pose un problème en cas d’incendie, d’autant plus qu’il n’y a pas de portes de secours et que les fenêtres des étages sont grillagées. Certaines usines empilent même sept étages d’unités de production, mais elles présentent de graves lacunes en matière de sécurité. Ces conditions rappellent tristement le drame de l’effondrement du Rana Plaza au Bangladesh en 2013.

Une production basée sur l’expérience et les compétences

Shein utilise des outils de production modernes, notamment via l’application chinoise WeChat, qui sert à tout (commerce, paiement, réseautage social, rencontres, etc.). Les commandes doivent être livrées dans des délais serrés, allant jusqu’à 100 ou 200 pièces. Shein adapte les quantités en fonction des effectifs déclarés quotidiennement par les usines. La préférence pour le personnel expérimenté plutôt que les débutants est liée à la nécessité d’avoir des équipes capables de travailler sur des pièces variées nécessitant différentes compétences.

Des conditions précaires pour les travailleurs

Les travailleurs interrogés à Nancun et dans les environs expriment leur inquiétude quant au non-versement des cotisations de sécurité sociale, pourtant imposé par la loi. Bien que la plupart des personnes interrogées soient, dans une certaine mesure, satisfaites de leur emploi, elles ne semblent pas se poser beaucoup de questions à ce sujet. Les conditions de travail précaires dans le secteur textile chinois laissent peu de chances aux travailleurs de trouver une autre place, même pour les ouvriers expérimentés nécessaires au modèle de Shein. L’inquiétude principale des travailleurs interrogés porte sur la baisse constante des tarifs à la pièce ces derniers temps. Les commandes simples sont sous-traitées dans d’autres provinces où les salaires sont plus bas. Les conditions de travail et les salaires offerts dans ces endroits restent inconnus.

Les conclusions du rapport

La presse chinoise indique que Shein repose essentiellement sur 300 à 400 “principaux fournisseurs” dans le district de Panyu, ainsi que sur leurs sous-traitants. Bien que Shein prétende avoir un programme d’audit, Public Eye n’a trouvé aucun témoin de ces audits. Cependant, le rapport mentionne un salaire minimum garanti trouvé sur l’un des sites visités : 55 euros pour la découpe, 69 euros pour l’emballage et 96 euros pour le repassage. Cependant, ces chiffres sont trompeurs, car ils correspondent à deux emplois. Shein profite du manque d’alternatives des travailleurs, qui sont prêts à sacrifier leur sécurité, leur liberté et leur qualité de vie pour gagner suffisamment d’argent.

Le rapport de Public Eye soulève de sérieuses préoccupations quant aux pratiques de Shein en matière de sourcing et de conditions de travail. Ces révélations invitent les consommateurs à se pencher sur les coulisses de l’industrie de la mode et à réfléchir à leurs choix d’achat.