Soumission à l’impôt sur le revenu : Comprendre les récentes conclusions juridiques

Soumission à l’impôt sur le revenu : Comprendre les récentes conclusions juridiques

Lorsqu’une indemnité de compensation correspondant au gain potentiel que le contribuable aurait réalisé en exerçant son droit d’option est accordée, elle est considérée comme ayant la même source que le contrat de travail. Même si cette indemnité est accordée après la fin du contrat, elle est alors imposable dans la catégorie des traitements et salaires, selon le régime des plus-values de cession des valeurs mobilières, au même titre que le gain potentiel. C’est ce que stipule une décision du Conseil d’État datant du 5 novembre 2014.

Dans cet article, nous vous proposons de découvrir les conclusions anonymisées du Rapporteur public sur cette affaire, Vincent Daumas, Maître des Requêtes au Conseil d’État. Cette affaire permettra d’enrichir la jurisprudence sur l’imposition des revenus issus des options de souscription ou d’achat d’actions, également appelées “stock-options”. Ces options sont accordées par une société à ses salariés ou dirigeants, leur permettant d’acheter des actions à un prix déterminé pendant une certaine période. Différents types de gains peuvent être réalisés grâce à ces options.

Les différents types de gains liés aux stock-options

Tout d’abord, il y a l’avantage correspondant à la différence entre la valeur réelle de l’action au moment de l’exercice de l’option et le prix d’achat de l’action, appelé la plus-value d’acquisition ou gain de levée de l’option. Ensuite, il y a la plus-value de cession réalisée lors de la vente de l’action, qui correspond à la différence entre le prix de vente et la valeur réelle de l’action au moment de l’exercice de l’option. Il est important de noter que ce deuxième type de gain n’est pas systématiquement réalisé. En effet, les bénéficiaires d’options de souscription ou d’achat d’actions ont souvent tendance à lever leurs options et à vendre les actions immédiatement afin de ne pas avoir à débourser de fonds. Dans ce cas, le prix de vente correspondant normalement à la valeur réelle des actions lors de l’exercice de l’option, il n’y a pas de plus-value de cession, seulement un gain de levée de l’option.

L’affaire en question

Dans cette affaire précise, un contribuable était salarié d’une société dans le secteur de l’audiovisuel. Des options de souscription d’actions de cette société lui ont été attribuées le 11 octobre 1995, valables pendant sept ans. En fin d’année 2000, la société a entamé une procédure de licenciement à son encontre. Avant d’être licencié, le contribuable a demandé à son employeur la levée de ses options, mais la société n’a pas donné suite à sa demande. Finalement, le contribuable a été licencié le 18 janvier 2001. Suite à un contentieux avec la société sur les conditions de son licenciement, la cour d’appel de Paris a jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse et a condamné l’employeur à verser à l’ancien salarié diverses indemnités, dont une indemnité de plus d’un million et demi d’euros “à titre de dommages-intérêts pour perte du droit de lever les options”. Cette indemnité n’a pas été déclarée par le contribuable, ce qui a conduit l’administration fiscale à réintégrer cette somme dans ses revenus de l’année 2004 et à l’imposer dans la catégorie des traitements et salaires. Le contribuable a contesté cette imposition jusqu’au juge de l’impôt.

L’imposition des indemnités : un cadre juridique complexe

À l’époque de cette imposition, le gain issu de l’exercice des options était en principe imposé comme un complément de salaire, conformément à l’article 80 bis du CGI. Toutefois, cet article renvoyait à l’article 163 bis C du même code, qui soumettait ce gain à un régime d’imposition spécifique, normalement plus favorable que les règles des traitements et salaires, sous deux conditions cumulatives : les actions devaient être nominatives et le bénéficiaire devait respecter un délai d’indisponibilité entre la date d’attribution des options et la cession des actions. Dans le cas présent, la cour administrative d’appel a jugé que l’indemnité accordée au contribuable devait être imposée selon le régime spécifique de l’article 163 bis C, et non selon les règles des traitements et salaires. Selon la cour, le contribuable remplissait les conditions pour bénéficier de ce régime puisque les actions qui lui auraient été attribuées étaient nominatives et que le délai légal d’indisponibilité avait expiré au moment où il a manifesté sa volonté de lever les options.

Le pourvoi en cassation

Le ministre chargé du Budget a formé un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour. Son pourvoi conteste le raisonnement adopté par la cour pour justifier l’imposition de l’indemnité selon le régime d’imposition spécifique de l’article 163 bis C. Le ministre soulève différents moyens, mais il semble raisonnable de faire droit à ce pourvoi.

Il est important de noter que cette affaire s’inscrit dans un contexte juridique déjà bien établi. Deux précédents, dont les décisions datent des 23 juillet 2010 et 1er octobre 2013, abordent déjà des questions similaires. Dans le premier cas, il était question de savoir comment imposer une indemnité versée en échange de la renonciation volontaire d’un salarié à lever ses options. Le Conseil d’État avait alors considéré que cette indemnité devait être imposée dans la catégorie des revenus imposables, conformément à l’article 79 du CGI. Le deuxième cas portait sur l’imposition d’un contribuable dont le domicile fiscal était à l’étranger, mais qui avait réalisé des gains grâce à des options attribuées dans le cadre de son activité salariée en France. Le Conseil d’État avait alors jugé que ces gains devaient être imposés en tant que compléments de salaire de source française.

Cependant, ces précédents ne permettent pas de répondre pleinement à la question soulevée dans cette affaire spécifique, qui concerne une indemnité destinée à compenser une perte de revenus. Selon la jurisprudence, une indemnité de ce type doit être imposée dans la même catégorie que les revenus qu’elle compense. Dans ce cas précis, il conviendrait donc d’appliquer les règles générales relatives à l’imposition des traitements et salaires, ce qui implique d’écarter le régime spécifique de l’article 163 bis C du CGI revendiqué par le contribuable. En poussant le raisonnement hypothétique du contribuable, on aboutirait à une situation irréaliste, dans laquelle l’imposition serait basée sur des hypothèses plutôt que sur la réalité des faits.

En conclusion, il semble raisonnable d’accueillir le pourvoi en cassation du ministre chargé du Budget pour clarifier l’imposition de cette indemnité. La jurisprudence existante et les principes généraux d’imposition des revenus justifient cette décision

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