Il y a un an déjà que ce rappel traine sur mon bureau, me rappelant que je dois rédiger un retour d’expérience sur la conception du MOOC Sciencestags sur l’usage des réseaux sociaux pour la médiation scientifique… Mais comme on dit, “mieux vaut tard que jamais”. 😉
La fin du programme Inmédiats approche à grands pas. Durant quatre années, nous avons expérimenté de nouveaux formats de médiation et de communication scientifique en nous appuyant sur les outils numériques. Et moi, principalement sur les réseaux sociaux. Mais cette fois-ci, nous allons encore plus loin en créant un MOOC ! Le nom de code : Sciences Tag.
Un MOOC, c’est un cours en ligne qui permet aux formateurs et aux participants d’échanger, de discuter et de construire ensemble du contenu. Une belle conclusion pour notre groupe de travail !
Je dois avouer que je ne suis pas très emballée. Non pas par l’aventure ou l’idée en elle-même, mais par le timing. Deux mois pour construire un MOOC sur l’usage des réseaux sociaux pour la médiation culturelle. Un MOOC de qualité, singulier et pertinent. Moi qui ai passé de nombreuses heures à construire mes cours, à rechercher du contenu et à imaginer des activités originales, cela me fait un peu peur et me laisse perplexe. Heureusement, je suis bien entourée : Guillaume de Relais d’Sciences, Marion de la Casemate, Sébastien de Cap Sciences, et pour nous accompagner, Laurent de la Casemate… pardon 😉. Et d’autres personnes nous rejoignent également : Laetitia et Marion d’Espace des sciences, Cyrielle de Cap Sciences, Morgane de Science Animation, et Benjamin et Claire d’Universcience. Nous sommes également accompagnés par une agence de conseil spécialisée dans les cours en ligne : MOOC & cie. Ils vont nous guider tout au long de notre périple et je vais vous révéler les contours de ce voyage.
Étape 1 : se mettre d’accord sur le plan du cours
Début avril 2016. J’arrive essoufflée à la Cité des sciences, tirant ma valisette derrière moi. Sur place, tout le monde m’attend déjà, les visages illuminés par leur ordinateur, ravis de profiter de quelques minutes de travail personnel grâce à mon fameux quart d’heure toulousain. Alexandre de MOOC & cie m’accueille avec le sourire… et un paquet de post-it à la main qui annonce le programme de la journée. Il commence par expliquer le fonctionnement d’un MOOC. Un MOOC, c’est :
- Du contenu,
- Des activités pédagogiques,
- Des espaces d’interactions,
- Et des outils d’auto-évaluation.
À nous de définir chacun de ces éléments. Nous commençons par poser les bases : l’objectif général, les publics cibles et les prérequis.
Le MOOC sera composé de 5 séquences, avec une séquence introductive pour accueillir les participants et les inviter à se présenter les uns aux autres. Chaque séquence sera animée pendant une semaine. Cependant, nous avons décidé de mettre l’intégralité du contenu à disposition dès l’ouverture du MOOC, afin que chacun puisse y aller à son rythme.
L’équipe de MOOC & cie nous explique le déroulement du contenu. Chaque séquence comprendra 3 sujets à aborder. Pour chaque sujet, nous devons définir des messages clés, des ressources complémentaires et une activité à proposer. La séquence se terminera par un quiz d’auto-évaluation et des ressources additionnelles.
Et nous voilà partis dans un brainstorming pour construire le contenu du futur MOOC. Nous listons nos idées, nos inspirations. Nous discutons de la définition du mot “médiation”. Puis nous regroupons les idées par grandes catégories : techniques du community manager, stratégies, événementiel, communautés et territoires… Notre plan commence à prendre forme. Il est encore améliorable, mais les premières idées sont là. Nous réfléchissons ensuite aux activités pédagogiques : stratégies à imaginer, cartes mentales à créer, jeux autour des GIFs… Les idées fusent, inspirées par les exemples donnés par Alexandre. Notamment le MOOC sur Versailles, qu’ils ont également accompagné : les participants devaient raconter une journée à la cour, reconstituer une scène de l’époque et poster leur photo, ou encore jouer à un jeu de devinettes sur les personnages. Très inspirant. Ces activités sont d’autant plus importantes qu’elles permettent d’apprendre en faisant et de créer du lien entre les participants, car chacun peut commenter le travail des autres. Nous reprenons nos esprits, à la fois énergisés et fatigués.
Étape 2 : construire le contenu
Nous répartissons les sujets entre nous. Chacun a pour mission de rédiger le discours… d’une vidéo. « Oh mon dieu, je vais être filmée ». Une montée d’angoisse. Parler devant une caméra n’est pas vraiment ma tasse de thé. Mais je mets mes inquiétudes de côté, car pour l’instant, le plus important est le contenu. Nous reprenons les messages clés, les détaillons, trouvons des exemples. L’agence nous a fourni un document avec quelques conseils. Tout d’abord, ce discours ne doit pas être un exposé, mais plutôt un commentaire sur des images. Le plus important, c’est ce que nous allons montrer. Et donc, pas moi en train de parler. Ouf ! Nous devons donc trouver un maximum d’images informatives, donnant des conseils, des chiffres clés, des exemples… Nous construisons le tableau du script, avec une colonne pour les éléments du discours en parallèle de la colonne pour les images.
Autre conseil : limiter la longueur à 4500 caractères maximum. Autant vous dire que la plupart d’entre nous dépassent largement cette limite. Que voulez-vous, nous avons beaucoup à dire.
Enfin, une dernière image résumera le discours en affichant les points clés à retenir.
Je passe les étapes d’écriture, jamais simples. Trouver les bons mots, les phrases accrocheuses, les informations percutantes. On écrit, on supprime, on réorganise, on réécrit…
Lorsque nous sommes à peu près satisfaits, nous faisons lire nos discours aux autres. Chacun vient relire les discours de ses collègues du MOOC, commente, ajoute et critique. Ensuite, un journaliste de MOOC & cie vient relire et retravailler quelques formulations. Nous sommes prêts.
Étape 3 : passer au tournage
Le jour tant redouté est arrivé. J’arrive à la Casemate et me dirige vers l’espace de tournage comme un condamné. Sur place, un fauteuil, une lampe halogène surpuissante et une caméra professionnelle. François, le réalisateur, m’accueille chaleureusement. Il me rassure… ou presque. À peine je m’assois devant l’objectif qu’il me dit : « Vous n’avez pas de fond de teint ? Parce que c’est vivement recommandé quand on se retrouve avec une lampe sur le nez ». Aïe… non. J’ai bien pensé à éviter les chandails verts, mais le fond de teint, franchement… Tant pis, on fera sans.
Il me propose de placer mes notes en face de moi pour pouvoir les lire au besoin. La caméra, bien positionnée, permettra de ne voir que mes yeux.
Et c’est parti pour une longue, très longue journée… Je remercie mon interlocuteur pour sa patience, car il reste calme, prise après prise. Je parle trop vite. Je bafouille. J’utilise des termes improbables à l’oral. « Pourquoi ai-je écrit “en outre” ?! Qui dit ça à l’oral franchement ?! » Je m’énerve après moi-même, désespérée face à ce discours trop lissé, mes notes à la main.
Nous finissons par nous en sortir, la dernière séquence mettant fin à mon embarras. « Plus jamais ça ! ».
Je dois vous avouer quelque chose : je ne regarderai jamais mes vidéos dans leur intégralité. Tout au plus les dix premières secondes. Finalement, mon débit de parole me paraîtra presque trop lent, malgré les recommandations de ralentir le rythme.
Étape 4 : créer la plateforme
Pendant que François monte les vidéos, nous suivons le développement de la plateforme et testons ses fonctionnalités. Chaque participant pourra créer un profil, accéder au contenu et participer au forum de discussion pour poser des questions et répondre aux exercices. L’équipe de MOOC & cie se charge de saisir tout le contenu, pendant que nous vérifions chaque détail.
La plateforme permettra également de récompenser les participants : ils recevront des badges pour chaque étape réussie (participation au forum et bon résultat au quiz), et un certificat de réussite leur sera remis à la fin du parcours.
Une autre rubrique, “actualités”, permettra d’animer la plateforme en publiant les résultats des exercices et en transmettant des informations clés aux participants. Chaque message leur sera envoyé par e-mail. Car oui, notre travail est loin d’être terminé. Un MOOC, ce n’est pas seulement du contenu, c’est aussi de l’animation !
Étape 5 : préparer l’animation
Nous nous retrouvons tous à Paris, dans les locaux de l’Amcsti. Cette fois-ci, c’est Thomas de MOOC & cie qui nous guidera.
L’objectif de cette séance est de préparer l’animation du MOOC. Animer une communauté ne nous fait pas peur. Mais ici, il s’agit d’une communauté d’apprenants et d’exercices pédagogiques à traiter. Nous devrons donc accueillir les participants, modérer les messages, être à l’écoute et participer aux discussions. Mais aussi valoriser les contributions (voici quelques conseils de MOOC & cie), rédiger des synthèses de chaque activité et alimenter la plateforme en actualités.
Notre principale inquiétude concerne les synthèses des exercices. Nous sommes conscients de l’ampleur de la tâche. Nous sommes nombreux et avons d’autres missions en parallèle du MOOC, comme la préparation de la Fête de la science, et devrons jongler entre tout cela.
Nous répartissons donc les tâches et les semaines. Chaque semaine (c’est-à-dire pour une séquence), l’un d’entre nous animera, répondra aux messages et réalisera les synthèses, avec le soutien de deux autres formateurs.
Les actualités seront choisies au fur et à mesure, en fonction des nouveautés. Par exemple, le lancement d’une opération nationale pour la Fête de la science qui utilise les réseaux sociaux, ou encore une nouvelle fonctionnalité pour Facebook.
Concernant les synthèses, nous envisageons déjà les rendus : une mind map pour tel exercice, une liste de témoignages pour un autre… Nous improviserons en fonction des contributions. Nous prévoyons de faire un point téléphonique en début de semaine pour planifier les synthèses et les prochaines actualités.
Les semaines suivantes seront consacrées à la rédaction des prochains messages et à la préparation… du grand lancement !
Étape 6 : communiquer
10, 100, 1000… Nous n’avons aucune idée du nombre de participants que ce MOOC rassemblera. Ce que nous savons, c’est que nous visons les professionnels de la culture et du milieu scientifique.
Nous préparons donc un communiqué, une image, une bande-annonce vidéo ainsi que le contenu des futures newsletters que nous enverrons aux intéressés. Nous mobilisons nos réseaux et diffusons le plus largement possible.
Du côté des réseaux sociaux, nous dévoilons les coulisses, lançant le compte à rebours avec le hashtag #sciencestag.
Maintenant, nous attendons. Nous croisons les doigts pour que cela fonctionne. Et nous ne serons pas déçus…
Étape 7 : démarrer le MOOC
2527 inscrits ! Bien au-delà de nos espérances. Presque étourdissant.
La première semaine commence. Je commence l’animation, accompagnée de Guillaume et Marion. Une semaine intense, où notre mission est d’accueillir chaque participant.
Les messages n’en finissent pas. Les échanges sont riches, passionnants, prenants. Il est 23h et nous sommes toujours connectés. À la fin de la journée, nous nous rendons compte que nous avons peut-être fait trop, nous épuisant à la tâche. Mooc & cie nous avait pourtant prévenus, nous recommandant de laisser les échanges se faire sans forcément intervenir à chaque fois. Mais c’est plus fort que nous, notre rôle d’animateur nous tient à cœur et nous voulons offrir le meilleur accueil à chacun.
Nous constatons également que les exercices fonctionnent bien, chaque participant joue le jeu et publie avec enthousiasme le fruit de ses efforts. Cela nous met en joie. Cependant, certaines formulations d’énoncés entraînent parfois des réponses incohérentes.
Vient le moment des synthèses. Un travail colossal nous attend. Nous nous répartissons les exercices et nous lançons dans la tâche. Nous lisons chaque contribution, sélectionnons les plus pertinentes et rédigeons un document rempli d’exemples et de bons conseils.
L’exercice qui nous a le plus amusés est sans aucun doute celui des GIFs : chaque participant était invité à partager un moment agréable ou désagréable sur les réseaux sociaux à l’aide d’un GIF. Entre rires et clin d’œil bien choisis.
Les semaines se suivent sans se ressembler. Plus de 3400 messages seront postés sur le forum.
Des échanges se créent, des projets se révèlent. Une “petite” communauté se développe sous nos yeux, passionnée par le sujet et ravie de se réunir ainsi. Et c’est en grande partie grâce à elle que le MOOC reçoit autant de retours positifs.
Je dois avouer que je suis un peu épuisée. Mais ravie. Ravie malgré les difficultés rencontrées (le manque de temps pour tout produire, le passage devant la caméra, le moment où un participant m’a donné des conseils pour ne pas briller devant l’objectif, ou celui où un contributeur sympa a posté une capture de ma vidéo sur une grande banque de GIFs, utilisable par n’importe qui, ce qui m’a obligée à me battre pour la faire retirer… ^^).
Donc voici quelques conseils, au-delà de ces lignes, pour ceux qui aimeraient se lancer dans la production d’un MOOC : évaluez bien le temps nécessaire, entourez-vous de bonnes personnes et pensez au fond de teint ! 😉