Tribunes : Comprendre la baisse des obligations indexées malgré l’inflation croissante

Tribunes : Comprendre la baisse des obligations indexées malgré l’inflation croissante

L’inflation en France a atteint des niveaux sans précédent, avec un taux annuel de 6,2 % en 2022 (l’Insee prévoit même 7 % pour janvier 2023). On pourrait donc s’attendre à ce que les obligations indexées sur cet indicateur suivent cette tendance en étant davantage demandées et en augmentant leur valeur.

Pourtant, la réalité est tout autre. L’indice global des obligations publiques françaises indexées sur l’inflation a diminué de 8,45 % depuis le début de l’année. Aux États-Unis, le même indice a chuté de 11,17 % sur la même période. Comment expliquer ce phénomène ?

Des paramètres fixes dans le temps, mais des exigences qui évoluent

Pour comprendre cela, commençons par examiner le cas des obligations ordinaires, afin de mieux appréhender les mécanismes en jeu. Une obligation est un titre de dette qui garantit à son détenteur le remboursement d’une somme périodique appelée « coupon », ainsi que du « principal » à l’échéance.

Lorsque les perspectives d’inflation augmentent, les investisseurs exigent des taux de rendement plus élevés. Ils cherchent à protéger leur pouvoir d’achat, évitant ainsi de voir la valeur de leur argent diminuer au moment du remboursement de la dette. De plus, lors d’une période d’inflation, les banques centrales augmentent généralement les taux d’intérêt à court terme pour contrôler ce phénomène. Par conséquent, les investisseurs estiment qu’ils peuvent obtenir des rendements plus importants grâce à une succession de placements à court terme, ce qui les pousse à demander des rendements plus élevés sur les obligations à long terme.

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Le rendement exigé pour une obligation ordinaire est calculé en additionnant un taux réel et une perspective d’inflation. Cependant, bien que le coupon et le principal soient fixés lors de l’émission, les exigences des investisseurs évoluent au fil du temps. Ils se tournent donc vers les marchés secondaires pour ajuster leurs investissements en fonction de leurs nouvelles exigences.

Quand l’inflation engendre une baisse des prix

Revenons maintenant à notre sujet spécifique, celui des obligations indexées. Bien qu’elles soient également émises avec un principal et un coupon fixés à l’avance, leur fonctionnement diffère de celui des obligations ordinaires.

Lorsque l’inflation est constante, le taux de rendement nominal d’une obligation indexée est égal à la somme du coupon réel et du taux d’inflation réalisée. Le coupon réel, décidé lors de l’émission, est donc un taux de rendement réel garanti, quel que soit le niveau d’inflation ultérieur. Il est fixé pour correspondre au taux de rendement réel exigé par les investisseurs à l’émission.

En France, environ 12 % de la dette publique est émise sous forme d’obligations indexées, ce qui explique en partie l’augmentation significative des intérêts à payer en 2022.

Tant que le taux de rendement réel exigé par les investisseurs reste inchangé, le prix des obligations indexées demeure constant sur le marché secondaire, quelles que soient les variations de l’inflation. Toutefois, comme le taux de rendement réel évolue en fonction de divers facteurs autres que l’inflation, c’est le prix de l’obligation sur le marché secondaire qui s’ajuste.

Si le taux de rendement réel exigé restait constant depuis le début de l’année, le cours des obligations indexées serait resté inchangé malgré la forte augmentation de l’inflation. La baisse observée s’explique donc par l’augmentation du taux de rendement réel exigé par les investisseurs.

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Cette augmentation peut partiellement s’expliquer par un effet indirect de l’inflation qui a détérioré les perspectives de croissance. Les investisseurs sont devenus plus sensibles au risque, les dettes des États sont apparues moins solides et les taux d’intérêt à court terme ont été anticipés à la hausse suite aux actions des banques centrales. L’inflation est certes loin d’être la seule cause de cette baisse, mais il est intéressant de noter ce paradoxe qui voit une hausse de l’inflation entraîner une baisse des prix.

Par Eric Dor, Directeur des Études Économiques, IÉSEG School of Management.

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