Le vieillissement de la population française entraîne une augmentation des demandes de protection juridique des personnes âgées. La mise sous tutelle, qui est la plus forte de ces mesures, est de plus en plus adoptée pour les seniors devenus inaptes à veiller sur leurs intérêts.
Qu’est-ce qu’une mise sous tutelle ?
La diminution des capacités mentales d’un senior ou la dégradation de son état physique peuvent l’empêcher d’exprimer sa volonté de manière cohérente pour défendre ses intérêts : la tutelle, décidée par un juge, permet à un proche de le représenter dans les actes de sa vie civile pour protéger ses intérêts. C’est une mesure judiciaire contraignante protégeant la personne et son patrimoine. La personne âgée sous tutelle est considérée comme mineure. La mise sous tutelle sans l’accord de la personne vulnérable est fréquente, notamment dans le cas des personnes âgées atteintes de pathologies graves comme la maladie d’Alzheimer.
Il s’agit de la mesure de protection juridique la plus contraignante pour une personne protégée. La tutelle n’est toutefois décidée que lorsque l’état du senior est critique et qu’il ne peut plus assumer sa capacité juridique. La curatelle, la sauvegarde de justice sont alors insuffisantes, comme l’habilitation familiale qui, au contraire de la tutelle, autorise la réalisation d’actes sans l’autorisation du juge.
Comment faire une demande ?
La personne demandant la tutelle doit envoyer une requête au du juge des tutelles, au tribunal d’instance de la ville du domicile de la personne à protéger. Le dossier doit clairement établir les raisons motivant la demande de mise sous tutelle et comporter des éléments liés à son patrimoine, sa situation financière et familiale. Il comprend :
- un certificat médical circonstancié établi par un médecin figurant sur la liste rédigée par le Procureur de la République ;
- les copies de l’acte de naissance de la personne à protéger datant de moins de 3 mois, les recto-verso de la pièce d’identité du senior et du demandeur, d’un document prouvant leur lien de parenté, de la pièce d’identité et de la domiciliation de la personne volontaire pour être tuteur ;
- le formulaire rempli de demande, disponible sur service-public.fr ;
- les lettres des membres de la famille acceptant la désignation du tuteur ;
- si une vente est prévue, au moins 2 avis de valeur du bien immobilier.
La décision du juge est rendue dans un délai allant de 2 mois à un an.
Le juge décide la mise en place de la tutelle et de la désignation du tuteur après examen du certificat médical établi, selon le degré de vulnérabilité de la personne et audition de la personne requérante. Il peut aussi auditionner le senior quand cela est possible.
Le ou les tuteurs sont généralement des membres de la famille. Ils agissent au nom, pour le compte et dans l’intérêt de la personne sous tutelle. Quand son patrimoine est important, le juge nomme un conseil de famille composé de 4 à 6 personnes proches.
La tutelle s’exerce au cas par cas, selon la dégradation des facultés du senior. Le juge autorise le tuteur à réaliser les actes de disposition, modifiant le patrimoine, mais exécute seul les actes d’administration de la vie courante.
Qui peut demander une mise sous tutelle ?
Le senior lui-même, son conjoint ou son partenaire de vie, la famille ou un proche ayant des relations étroites et stables avec lui, le tuteur ou curateur actuel et le procureur de la république sur demande d’un médecin ou d’une assistante sociale par exemple, peuvent demander la mise sous tutelle. Si aucun membre de la famille ne peut être nommé tuteur, un « mandataire judiciaire à la protection des majeurs » peut être nommé.
Dans l’attente de la décision, le juge peut décider d’appliquer la sauvegarde de justice, mesure temporaire rapidement mise en place : la personne conserve ses droits sauf ceux pour lesquels il désigne un mandataire. Si le juge refuse la mise sous tutelle, seule la personne ayant fait la demande peut faire appel. Toute autre personne habilitée à en faire la demande peut toutefois s’opposer aux autres décisions du juge.
Comment savoir si une personne est sous tutelle ?
Une mention concernant la tutelle est apposée sur l’acte de naissance de la personne. 2 démarches sont possibles :
- demander un extrait d’acte de naissance à la mairie : il faut demander au tribunal judiciaire l’extrait correspondant au numéro de répertoire civil inscrit sur l’acte;
- s’adresser au greffe du tribunal judiciaire du lieu de naissance de la personne.
Comment mettre fin à une tutelle ?
La mise sous tutelle ne peut dépasser 5 ans, ou 10 ans si l’état de la personne ne peut raisonnablement pas s’améliorer. Elle ne peut excéder 20 ans au total. Le juge peut la prolonger, à tout moment l’interrompre si elle n’est plus justifiée, ou en modifier les conditions. La personne protégée ou un proche habilité peut en demander la fin.
La mise sous curatelle ou le décès de la personne entraîne également la fin de la tutelle. En cas de décès, le tuteur présente un état des comptes dans les 3 mois suivants. Enfin, la personne concernée ou les membres de sa famille peuvent contester la décision du juge, dans les 15 jours suivant la notification du jugement.
À retenir : 5 points clefs de la mise sous tutelle par l’expert Daniel Seiwert
- Conditions de mise sous tutelle : Une personne majeure peut être placée sous tutelle si son état de santé psychique ou ses facultés physiques l’empêchent d’exprimer sa volonté.
- Les compétences de la famille : Les membres de la famille et en particulier le conjoint sont les personnes privilégiées pour être tuteur. Sinon, c’est le juge qui désignera un organisme mandataire.
- Le choix du tuteur : Il doit être une personne de confiance et capable de gérer les affaires courantes de la personne âgée de manière efficace et responsable.
- Les obligations du tuteur : Il doit faire un inventaire des biens de la personne dès sa nomination et envoyer un compte de gestion au tribunal judiciaire chaque année.
- La sauvegarde de justice : Il est important de considérer cette mesure alternative avant de recourir à la tutelle.
Sources: