Lorsqu’un employé dispose d’un véhicule de fonction, il est généralement autorisé à l’utiliser à des fins personnelles. Cependant, l’utilisation personnelle de la carte carburant remise au salarié n’est pas toujours garantie. De nombreux contrats de travail spécifient que son utilisation est strictement limitée aux besoins professionnels. Mais que se passe-t-il si l’employé enfreint cette obligation et utilise la carte pendant une période de congé ou de suspension du contrat de travail ? L’employeur est-il en droit de procéder à une retenue sur salaire ? Ou doit-il simplement prendre des mesures disciplinaires ?
Selon l’article L.3251-1 du Code du travail, “l’employeur ne peut pas retenir de salaire pour compenser des sommes dues par un employé pour des fournitures diverses”. Cependant, il existe une exception permettant de retenir une somme afin de compenser les salaires et les sommes dues à l’employeur pour des instruments et des outils nécessaires au travail (C. trav., art. L. 3251-2).
Certains tribunaux ont jugé que l’achat de carburant ne rentrait pas dans cette exception, ce qui signifie que l’employeur n’était pas autorisé à procéder à une compensation (Montpellier, 10 septembre 2002, n°01-1349). De même, en ce qui concerne le dépassement d’un forfait téléphonique lié au téléphone professionnel, il a été jugé que retenir une somme uniquement en raison de ce dépassement constituait une sanction pécuniaire illégale (Cass. soc., 15 mai 2014, n°12-30.148).
En revanche, en ce qui concerne les frais de carburant, la Cour de cassation ne s’est pas prononcée spécifiquement sur la question de la retenue sur salaire. Elle a seulement statué que “la fourniture d’une carte permettant d’obtenir deux cents litres d’essence par mois, en remplacement de la participation de l’employeur aux frais engagés par le salarié pour l’exercice de ses fonctions, constitue un avantage en nature, et sa suppression en raison d’une utilisation à des fins non professionnelles est une sanction pécuniaire interdite” (Cass. soc., 23 juin 2010, n°09-40.825).
Dans une décision plus récente, la Cour d’appel de Paris a jugé que la retenue sur salaire était justifiée lorsque l’employé avait utilisé sa carte carburant à des fins personnelles en dehors des heures de travail (Paris, 14 juin 2022, n° 20/04859).
Cependant, compte tenu de la rédaction des textes et de la jurisprudence mentionnée ci-dessus, l’utilisation d’une retenue sur salaire pourrait être contestée, car elle pourrait être considérée comme une sanction pécuniaire, et l’utilisation de la carte carburant pendant les périodes non travaillées sans autorisation constitue une faute.
Dans ces circonstances, quelles options l’employeur a-t-il à sa disposition ?
Il peut certainement prendre des mesures disciplinaires à l’encontre de l’employé (par exemple : Paris, 10 décembre 2004, n°03/35731).
Il peut également envoyer une lettre à l’employé lui demandant de rembourser les dépenses de carburant effectuées pendant les périodes non travaillées. Il est recommandé de formaliser cet accord afin d’éviter toute contestation ultérieure.
Cependant, il est encore nécessaire d’obtenir cet accord…