Le transport est un enjeu crucial dans la transition énergétique et écologique. Bien que les avancées techniques permettent une mobilité plus propre et respectueuse de l’environnement, elles ne sont pas toujours synonymes de durabilité. La voiture électrique illustre parfaitement cette dualité. Bien qu’elle présente des avantages écologiques sérieux, elle peut également avoir un impact négatif sur l’environnement.
L’importance des transports
Les transports en France représentent 30% des émissions de gaz à effet de serre, avec une part importante attribuée à la route. Ce chiffre monte à 43% au Québec, par exemple. La grande majorité des véhicules en circulation utilisent des carburants fossiles tels que l’essence et le diesel. Chaque litre d’essence consommé libère 2,29 kg de CO2, tandis que pour un litre de diesel, cela monte à 2,66 kg. Sur une durée de vie moyenne de 10 ans, une voiture à essence moyenne peut émettre plus de deux fois son poids en CO2 chaque année. En revanche, une voiture électrique n’émet pas de CO2, car elle ne brûle pas de carburant.
La loi d’orientation des mobilités, récemment adoptée par l’Assemblée nationale, a confirmé le choix des véhicules électriques, considérés comme “propres par nature”, indépendamment de la source d’électricité utilisée. Cependant, cette approche ne prend pas en compte la fabrication du moteur ni l’origine de l’énergie de propulsion. Ainsi, la production d’électricité peut provenir de sources fossiles ou d’énergies renouvelables.
Cycle de vie et impact environnemental
Pour évaluer l’empreinte écologique d’un produit, il est essentiel de prendre en compte son cycle de vie, c’est-à-dire d’analyser son impact tout au long de sa vie, de la conception à sa fin de vie, en passant par l’extraction, la fabrication et la distribution. Dans le cas des véhicules électriques, il est donc nécessaire de prendre en compte leur production, la fabrication de leurs batteries et l’origine de l’électricité utilisée. Les experts du Centre international de référence sur le cycle de vie des produits, procédés et services de Polytechnique Montréal estiment que la fabrication des véhicules électriques a une empreinte écologique importante.
Un rapport de l’Agence européenne pour l’environnement en 2018 a souligné l’impact des véhicules électriques sur les changements climatiques : “Les émissions de gaz à effet de serre et de polluants atmosphériques sont généralement plus élevées lors de la phase de production des voitures électriques.” Cela peut s’expliquer par le fait que la majorité des batteries sont fabriquées dans des pays où la production d’électricité repose fortement sur le charbon, comme la Chine. Ce rapport ajoute : “Un véhicule électrique rechargé avec de l’électricité produit plus d’émissions que ne le fait un véhicule à essence tout au long de sa durée de vie.” De nombreux pays, tels que la Chine, l’Inde, les États-Unis et le Canada, ont une production d’électricité qui dépend fortement des centrales au charbon. Que dire alors des véhicules électriques circulant en Allemagne, où la production d’électricité repose encore largement sur le charbon ? Il est important de souligner que la Chine produit 70% des batteries mondiales et est également le plus grand producteur mondial de voitures électriques. D’ici 2025, la Chine devrait vendre sept millions de véhicules électriques par an.
Production, toxicité et coût humain
Par ailleurs, le rapport de l’Agence européenne met en évidence un autre problème, celui des autres indicateurs d’empreinte écologique. Il ne s’agit pas seulement des émissions de CO2, mais également de l’utilisation de cuivre ou de nickel. Pour le cuivre, les véhicules électriques en contiennent quatre fois plus que les véhicules conventionnels. Le rapport indique : “Le potentiel de toxicité lors de la phase de production est de 2,2 à 3,3 fois plus élevé pour les véhicules électriques.”
De manière générale, les véhicules électriques sont composés de nombreux métaux différents. Cependant, l’extraction, la séparation et le raffinage des matières premières posent problème. Ces activités nécessitent beaucoup d’eau et sont très énergivores. De plus, certaines substances particulièrement nocives sont utilisées, comme l’ammoniac. Le rapport souligne les conséquences de ces pratiques : contamination des sols et de l’eau, érosion importante, menace pour la biodiversité.
De plus, dans les pays riches en métaux nécessaires à la fabrication des composants des véhicules électriques, les conditions de travail sont souvent difficiles. Le rapport souligne que l’activité minière a lieu “dans des pays où les normes de santé et de sécurité sont moins strictes que dans l’Union européenne”. La République démocratique du Congo est notamment citée pour le travail des enfants dans les mines, en particulier dans les mines de cobalt. L’UNICEF estime que 40 000 enfants travaillent dans ces mines, dans le sud du pays.
Les fabricants de véhicules électriques et de téléphones portables ont toutefois fait des efforts en matière de transparence.
Le délicat problème du recyclage
Mais un autre problème majeur s’ajoute aux précédents : le recyclage des batteries. Il s’agit du point faible des véhicules électriques. Ces batteries sont composées de matières premières rares et de produits très toxiques. En plus de leur seconde vie, leur recyclage pose un défi majeur.
L’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (ADEME) a émis une recommandation à ce sujet : pour évaluer l’impact des moteurs électriques ou thermiques, essence ou diesel, il faut prendre en compte les effets de leur utilisation, mais également le cycle de vie des véhicules, de la fabrication à leur recyclage.
Il est urgent d’agir sur ce point. En juin dernier, Christel Bories, présidente du Comité stratégique des filières mines et métallurgie, a déclaré devant le Sénat que d’ici 2027, 50 000 tonnes de matériaux devront être recyclées. Ce chiffre devrait atteindre 700 000 tonnes en 2035. En France, peu d’entreprises se spécialisent dans le recyclage des batteries. La SNAM en fait partie. Elle dispose de deux usines à Saint-Quentin-Fallavier (Isère) et à Viviez (Aveyron). La SNAM recycle plus de 600 tonnes de batteries de voitures électriques ou hybrides chaque année, provenant de France, d’Europe et d’Asie. Les batteries sont démontées, les différentes parties triées et détruites dans des fours ou fondues pour récupérer les métaux (aluminium, cuivre, nickel, cobalt, lithium) et les terres rares.
En France, il est prévu de recycler 50% des batteries lithium-ion et des batteries rechargeables nickel-métal-hydrure. La SNAM en recycle plus de 70%. Les 30% restants sont brûlés ou détruits, mais il reste 2% qui sont enfouis.
Pour l’instant, le secteur des batteries n’est pas rentable. Cependant, avec la croissance des ventes de véhicules électriques, cela va changer. De plus, il y a un enjeu stratégique important à récupérer les terres rares des batteries lors du recyclage pour éviter d’être trop dépendant de pays producteurs tels que la Chine.
Malgré tout, des atouts
Malgré un constat parfois sombre, les véhicules électriques présentent encore des avantages. Le département américain de l’Énergie a réalisé une enquête approfondie et comparative sur l’impact environnemental des véhicules électriques et des véhicules à essence dans chaque État, en fonction des différentes sources de production d’électricité. Dans l’État de New York, par exemple, un véhicule à essence émet 5 200 kg d’équivalent CO2, contre 837 kg pour un véhicule électrique à 100%. Même dans l’État du Wyoming, où la production d’électricité dépend du charbon, une voiture à essence émet 35% de CO2 de plus qu’un véhicule électrique.
L’étude montre également qu’en 2019, les véhicules électriques émettent moins de gaz à effet de serre dans 42 États sur 50. En revanche, aucune donnée ne montre que les véhicules à essence émettent moins de gaz à effet de serre que les véhicules électriques.
Le rapport de l’Agence européenne a également souligné que “ces émissions [des véhicules électriques] sont compensées, avec le temps, par des émissions plus faibles pendant la phase d’utilisation du véhicule”.
Il convient également de noter que la production d’électricité est de plus en plus propre dans les pays occidentaux, avec une “verdissement” de la production en Amérique du Nord. Par exemple, le Québec produit 99% d’électricité renouvelable. Dans l’État de New York, aux États-Unis, les émissions de gaz à effet de serre liées à la production d’électricité ont diminué de 54% entre 1990 et 2015.
En revanche, en 2018, les deux tiers de la production pétrolière canadienne provenaient des sables bitumineux de l’Alberta. Les effets des émissions des véhicules à combustion sur la santé publique ne sont plus à prouver : troubles de l’apprentissage chez les enfants vivant près de routes très fréquentées, asthme, fibrose pulmonaire, cancer, etc.
La voiture électrique n’est peut-être pas la solution ultime, mais elle reste un élément important des solutions viables pour la transition énergétique et écologique. Des ajustements sont nécessaires, tels que la lutte contre le travail des enfants, le développement de nouvelles technologies pour remplacer les métaux et minerais épuisables dont nous sommes trop dépendants, ainsi qu’une production d’électricité plus propre. La solution passera également par une utilisation plus répandue d’autres sources d’énergie, comme l’hydrogène et le gaz naturel, pour équilibrer davantage notre bouquet énergétique.