Vider la maison de ses parents : une exploration de l’intimité de ceux qui nous ont quittés

Vider la maison de ses parents : une exploration de l’intimité de ceux qui nous ont quittés

L’ultime adieu à travers les souvenirs

“J’ai versé des larmes en jetant la brosse à dents de ma maman.” Ces mots émouvants, partagés dans un simple tweet, mettent en lumière la cruelle réalité d’une épreuve de vie dont on ne parle jamais ouvertement : le moment où il faut vider la maison de son parent après son décès.

Le foyer familial, symbole de souvenirs et de chaleur, se transforme en une montagne à escalader, un nouveau défi à surmonter dans le processus de deuil. Réinvestir cette demeure familière pour trier des affaires qui ne nous appartiennent pas est un dernier au revoir qui nous confronte une fois de plus à la mort, cette fois à travers les trésors de vie.

Si la sépulture représente un lieu de recueillement, la maison et les objets qu’elle renferme sont le miroir des souvenirs. Leur reflet, parfois brutal, ravive la douleur de la perte.

Dans un silence assourdissant, trois femmes partagent leur vécu, témoignant de l’intensité de cette douloureuse épreuve.

La maison : le dernier rempart avant le grand adieu

“Ma mère m’a avoué récemment qu’elle venait tout juste d’annuler l’abonnement téléphonique de la maison de ma grand-mère. Je pense qu’elle le gardait pour pouvoir écouter sa voix sur le répondeur”, confie Eloïse, les yeux humides en évoquant le souvenir de son “idole”, disparue il y a un peu plus d’un an.

À ce jour, il est impossible pour sa maman de trier les affaires dans la maison où elle a grandi. “Elle reste telle quelle”, avoue la jeune femme.

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Située à l’entrée de La Rochelle, cette maison des années 60 est un véritable coffre à souvenirs, un lieu où Eloïse et sa sœur ont passé de nombreux week-ends et vacances scolaires. Pour la mère d’Eloïse, il est hors de question de bouleverser ce lieu rempli de vie : “Cela dépasse ses forces”.

“Le foyer familial représente toute notre enfance”, souligne Anne-Sophie Cheron, psychologue clinicienne. “En le vidant, on se demande comment nous allons pouvoir renouer avec nos souvenirs et avec la personne disparue.”

Le poids de la mémoire familiale

Ce n’est pas la première fois que cette famille est confrontée à cette épreuve. “Ma mère a déjà dû gérer le décès de ses deux grandes tantes qui n’avaient pas d’enfants”, poursuit Éloïse.

Pendant près de trois années, elles ont dû vider une demeure chargée de souvenirs, témoins des deux guerres mondiales. “Un travail colossal” qui a révélé une différence de perception du deuil entre les deux femmes.

“J’adore redécouvrir le passé. J’ai récupéré des photos et des lettres, alors que ma mère n’a rien jeté, et cela m’angoisse. Tout conserver ainsi, je trouve cela malsain. Il faut savoir se libérer pour ne pas vivre avec les morts”, confie la trentenaire.

Anne-Sophie Cheron conseille de poser des limites dans cette situation délicate. “Les objets peuvent devenir une crypte. Bien sûr, nous pouvons garder les choses symboliques, mais nous ne devons pas tomber dans un deuil pathologique où nous figeons le temps en refusant de trier”, explique la psychologue.

Un affront à l’intimité et aux secrets

Mais au-delà de l’obligation de vider la maison, se dessine également une nouvelle séparation. “C’est également un deuil de ne pas pouvoir garder la maison. Ma mère a déjà dû se séparer de la maison familiale lors du décès de mon grand-père, afin que ma grand-mère puisse avoir une meilleure retraite”, déplore Eloïse.

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La disparition des biens après les personnes nous prive de notre passé et du dernier lien tangible avec l’être cher. Cela peut ralentir le processus de deuil, comme le souligne Anne-Sophie Cheron : “Nous pouvons regretter la manière dont nous avons laissé les choses en suspens avec cette personne et ne pas vouloir la laisser partir.”

Pourtant, malgré tout, la pudeur subsiste. Eloïse raconte avoir pris l’habitude de fouiller dans les affaires de sa grand-mère, tandis que sa mère gardait une certaine distance avec ses biens. “Elle était très attachée à ses affaires, et je pense que ma mère a conservé cette rigueur et ce respect qui l’empêchent d’y toucher”, interprète la jeune femme.

Cette réticence peut également découler d’une peur : celle d’être confronté à une boîte de Pandore remplie de secrets de famille et de découvrir une facette inconnue de la personne disparue. Dans un message publié sur Instagram le 20 février 2022, la journaliste Elsa Wolinski évoque cette situation étrange.