La location saisonnière ou touristique pour des courtes durées via des plates-formes en ligne comme Airbnb, Abritel HomeAway, Leboncoin ou SeLogerVacances… séduit à plus d’un titre. Côté bailleurs, elle constitue une source de revenus complémentaires. En moyenne, 2 100 euros par an sur Airbnb*. Elle est vue comme une solution moins contraignante que la location nue ou meublée classique et surtout beaucoup plus rentable. Pour les locataires, c’est une alternative intéressante par rapport à l’hôtellerie.
Sauf que l’engouement crée des tensions dans les villes où le marché immobilier est déjà déséquilibré avec une demande bien supérieure à l’offre. C’est le cas à Paris, où, selon le ministère du Logement, le nombre de logements détournés du parc locatif traditionnel par une mise en location irrégulière sur Airbnb y est proche de 20 000*. Et cet assèchement se traduit par une envolée des prix à la location.
Dès lors, les pouvoirs publics font la chasse aux locations meublées saisonnières illégales et renforcent la réglementation. Ce qu’il faut savoir pour louer en toute légalité.
Pour quelle durée peut-on louer son bien ?
S’il s’agit de votre résidence principale, vous pouvez la louer pour de courtes périodes, à la journée, à la semaine, au mois. Le locataire a l’usage exclusif de votre logement. Chaque séjour ne doit pas dépasser 90 jours pour un même locataire.
Autre contrainte, vous ne pouvez pas louer votre résidence principale plus de 120 jours par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure. Les plates-formes de mise en location doivent veiller au respect de cette durée maximale. Si vous dépassez ce seuil, elles vous en informent et vous ne pouvez plus recevoir de location. Ce système est appliqué dans 18 villes, dont Paris, Lyon, Lille, Bordeaux et Aix-en-Provence**. Vous devez aussi transmettre un décompte des nuits louées aux mairies qui en font la demande.
Vous pouvez louer dans les mêmes conditions votre résidence secondaire. Dans cette hypothèse seulement, vous n’êtes pas soumis au seuil des 120 jours par an.
Quelles sont les démarches à effectuer au préalable ?
Si vous louez votre résidence principale, certaines villes, comme Paris, Bordeaux, Lyon ou Nice, vous obligent à la déclarer en mairie afin de lui attribuer un numéro d’enregistrement. Veillez à vous renseigner auprès de votre mairie pour savoir si votre commune a mis en place cette procédure.
S’il s’agit de votre résidence secondaire, quelle que soit la ville concernée, vous devez effectuer une déclaration en mairie. Dans certaines communes, vous devez demander une autorisation de changement d’usage pour louer votre résidence secondaire. C’est le cas à Paris, dans des villes de plus de 200 000 habitants, de la petite couronne parisienne ou dans tout autre commune en “zone tendue” sur décision de l’autorité locale. Le logement loué se verra alors attribuer un numéro d’immatriculation devant figurer dans les annonces et le contrat de location.
Une fois encore, il est conseillé d’interroger votre mairie pour savoir quelle procédure spécifique, parfois très dissuasive, est en vigueur. A Paris, par exemple, l’autorisation de changement d’usage doit être assortie d’une compensation. En l’occurrence, un mètre carré de logement transformé en meublé touristique doit être compensé par la transformation d’un mètre carré de commerce en habitation. Certains arrondissements (du Centre et de l’Ouest) sont soumis à une compensation renforcée (la règle est de 2 pour 1).
Si vous passez par une agence ou une plate-forme Internet, vous devez déclarer sur l’honneur que vous avez obtenu ce changement d’usage. “A Paris, prévient Ombeline Soulier Dugénie, avocate à la cour, associée chez Redlink, il est très difficile d’obtenir un changement de destination. La Mairie de Paris est crispée sur la question et oppose souvent des refus sur des bases juridiques qui ne tiennent pas la route.”
Résidence principale ou secondaire, si vous êtes en copropriété, vous devez aussi vérifier que le règlement de l’immeuble n’interdit pas le meublé touristique.
Quelles sont les sanctions en cas de non-respect de la loi ?
Les amendes peuvent atteindre 50 000 euros par logement. Vous risquez aussi une astreinte d’un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré jusqu’à régularisation. Dans le parc social, sous-louer ainsi son logement HLM est passible d’une amende de 9 000 euros et d’une résiliation de bail. Dans la capitale, les amendes écopées par les propriétaires fraudeurs sont en hausse.
Tenter de contourner l’obstacle en multipliant les intermédiaires est périlleux. Car, côté plates-formes en ligne, un récent décret leur impose, depuis le 1er décembre, de remettre aux mairies qui en font la demande une fois par an la liste de tous les logements loués (adresses, numéro d’enregistrement, nombre de nuitées). Les autorités municipales pourront réclamer les listings de l’année en cours et de l’année précédente.
Les règles du jeu peuvent-elles encore se durcir ?
À partir de 2020, toutes les plates-formes doivent transmettre au fisc le décompte de tous les revenus que vous gagnez par leur intermédiaire. Cette transmission aura lieu une fois par an, et commencera en janvier 2020 pour les revenus générés en 2019.
Le nombre de jours durant lesquels vous pouvez louer votre résidence principale pourrait être divisé par deux. Ainsi, dans le projet de loi “Engagement dans la vie locale et proximité de l’action publique”, en discussion au Parlement, les sénateurs ont adopté un amendement qui permet aux communes de fixer elles-mêmes un nombre autorisé de nuitées compris entre 60 et 120 par an, pour la location de courte durée d’une résidence principale. Mais ce texte a reçu un avis négatif du gouvernement.
En revanche, deux amendements ont été adoptés qui obligent les plates-formes à transmettre aux communes le nom du loueur et la qualité du bien loué : résidence principale ou secondaire.
Autre menace, l’interdiction pure et dure des locations Airbnb dans certains arrondissements du cœur de Paris [au total, 65 000 annonces parisiennes sur le site] est évoquée par la maire de Paris dans la perspective des prochaines municipales. La municipalité envisage de soumettre à référendum des Parisiens après les élections les conditions d’usage des plates-formes. Plusieurs contentieux opposent actuellement le géant américain Airbnb à la Ville de Paris. Un litige est suspendu à la décision de la Cour de justice de l’Union européenne. Celle-ci est attendue dans le courant de l’année 2020.
Le bail mobilité est-il une bonne alternative ?
“De plus en plus de bailleurs y ont recours et 30 % de nos baux sont sous ce mode”, atteste Alexis Alban, directeur des opérations de Lodgis, spécialiste de la location meublée en Ile-de-France. Introduit par la loi Elan du 23 novembre 2018, ce bail court permet de louer un meublé pour une durée de 1 à 10 mois non reconductible aux étudiants, aux jeunes en formation, aux salariés en mobilité…. Le bien loué n’est pas soumis à l’enregistrement auprès de la mairie ni au changement d’usage. Revers de la médaille, vous ne pouvez pas demander de dépôt de garantie à votre locataire et les loyers sont encadrés en zones tendues.
- Source : Airbnb, Booking… pour une régulation équilibrée, rapport d’information du Sénat, juin 2018.
**Aix-en-Provence, Annecy, Bordeaux, Levallois-Perret, Lille, Lyon, Martigues, Menton, Neuilly-sur-Seine, Nice, Nîmes, Paris, Roquebrune-Cap-Martin, Saint-Cannat, Saint-Paul-de-Vence, Sète, Versailles et Villeneuve-Loubet.