Les vieilles voitures américaines, connues sous le nom d’Almendrones, sont emblématiques de Cuba. Mais leur avenir est compromis avec le rapprochement entre Cuba et les États-Unis.
La survie des vieilles américaines
Imaginez-vous à bord d’une Jeep Willys de 1952, transformée en taxi collectif. La musique reggaeton et la salsa envahissent l’habitacle. Le chauffeur, un grand homme noir, fait crisser les vitesses. Il faut se dépêcher avant que l’Almendrone, comme on appelle ces vieilles voitures américaines, ne change d’avis. Une foule de passagers monte à bord de la Jeep de “Yohandry le Noir”, propriétaire de son propre véhicule.
Pendant douze heures par jour, six jours par semaine, Yohandry transporte une dizaine de passagers entre le Capitole de La Havane et le Vedado, le quartier des artistes, pour seulement 10 pesos cubains (0,45 franc). Avec un chiffre d’affaires moyen de 4 francs pour un quart d’heure de trajet, Yohandry est un vrai capitaliste dans un pays qui s’éloigne de plus en plus du communisme. Bien qu’il gagne plutôt bien sa vie, il doit payer des impôts et offrir des cadeaux aux inspecteurs du ministère des Transports lors des fêtes et des vacances.
Les Almendrones ne font pas seulement vivre leurs propriétaires et leurs familles, mais aussi toute une série de petits entrepreneurs privés : vendeurs de sodas, de cacahuètes, de journaux et garagistes qui gravitent autour de ce commerce.
Un paradis menacé
Pour les amateurs de voitures d’époque, Cuba est un véritable paradis des vieilles guimbardes américaines. Les Almendrones semblent immortelles, elles sont estimées à entre 50 000 et 60 000 dans les rues de la capitale. Mais les chiffres précis ne sont pas une spécialité cubaine. Le nombre exact de passagers transportés est également difficile à établir.
Cependant, cette situation pourrait ne pas durer. La révolution capitaliste de Raul Castro, lancée en 2010, pourrait sonner le glas de ces vieilles voitures. Le blocus économique dure depuis un demi-siècle, et de nombreux Cubains rêvent d’acquérir une nouvelle voiture. Malheureusement, les vieilles américaines ne peuvent pas être revendues, même si elles valent au moins 20 000 dollars. La dernière voiture américaine est entrée sur l’île juste avant l’embargo de 1962. Elle repose aujourd’hui dans un petit musée automobile près de Santiago de Cuba.
Les dangers à venir
Outre les désirs d’innovation des Cubains, un autre danger guette les Almendrones. Barack Obama a bientôt autorisé ses concitoyens à voyager à Cuba. Fascinés par ces voitures d’époque, les Américains pourraient les acheter à bas prix. Dès cet automne, des ferries relieront les États-Unis et Cuba, et avec quelques complicités, exporter une voiture vers Miami deviendra un jeu d’enfant.
Les prix des Almendrones oscillent autour de 20 000 dollars et peuvent atteindre 40 000 dollars. Sur Internet cubain, le site Revolico.com propose le plus grand choix de vieilles américaines. La plupart d’entre elles sont équipées de moteurs diesel Nissan, Volga ou autres. Les modèles les plus recherchés sont ceux avec des moteurs d’origine, mais il y en a très peu. On dit que les Américains seraient prêts à payer 60 000 dollars pour une voiture avec des pièces d’époque. Ces pièces sont souvent dénichées dans les campagnes et les remises, les Cubains les ayant conservées depuis longtemps.
Des entreprises américaines et des Cubains riches de Miami cherchent apparemment à repérer ces vieilles voitures pour les acheter et les revendre plus cher aux Américains. Le gouvernement cubain pourrait toutefois agir rapidement et obliger les vendeurs à passer par une société d’État. Enfin, dans les années 80, La Havane a proposé à ses citoyens d’échanger leurs vieilles voitures américaines contre des Ladas neuves. Il était alors dit que le gouvernement a revendu ces voitures aux États-Unis.
La révolution capitaliste de Raul Castro pourrait bien sonner le glas de ces vieux tacots. Les amoureux des voitures d’époque devront se dépêcher de visiter Cuba avant que ces belles américaines ne disparaissent des rues de La Havane.