Moderniser une ancienne : à la croisée des chemins

Moderniser une ancienne : à la croisée des chemins

Le monde des collectionneurs est divisé : peut-on moderniser une voiture ancienne ? Certains s’opposent farouchement à cette pratique, appelée “restomod”, tandis que d’autres la soutiennent. C’est un débat passionnant qui anime les passionnés d’automobile.

Le “restomod” : une tendance audacieuse

Le “restomod” va bien au-delà de l’adaptation d’accessoires modernes à une voiture ancienne. Il consiste parfois à moderniser également son esthétique en mélangeant le design actuel à celui d’autrefois, une idée venue des États-Unis. Cependant, nous ne parlerons pas de ce sujet aujourd’hui, car nous nous intéressons ici à la magnifique Jaguar XK150 d’Alain. Nous l’avions déjà essayée il y a quatre ans dans POA. Rappelons que la XK150 a été produite de 1957 à 1961 en seulement 9 382 exemplaires, principalement des coupés et des cabriolets, dont la majorité a été vendue aux États-Unis. Ce coupé sportif, doté d’un fameux moteur 6 cylindres en ligne de 3,4 litres, a permis à la firme anglaise de remporter cinq fois les 24 Heures du Mans entre 1951 et 1957. Comparée à la XK120/140 dont elle reprend les bases, la XK150 offrait une meilleure habitabilité mais moins de sportivité, ce qui se traduisait par une conduite plus lourde en raison de son moteur avancé.

Une passion pour Jaguar

Alain a toujours été un adepte des voitures anciennes. À seulement 15 ans, sans permis de conduire, il avait déjà acheté une Citroën Traction 15-6 d’une valeur dérisoire à l’époque. Il a ensuite accumulé de nombreuses anciennes, de la Vedette à la Talbot 4 litres Major, en passant par la Panhard sans soupapes, l’Amilcar, et bien d’autres modèles aujourd’hui peu courants. Actuellement, il conduit au quotidien une Jaguar XK V8 en aluminium, un coupé digne descendant de la XK150. Il se souvient également avoir possédé une Volvo V70 avec laquelle il a parcouru sans encombre 750 000 km, en la vidangeant seulement tous les 50 000 km ! Sa passion pour les Jaguar modernes l’a incité à acquérir une ancienne de la même marque. Il explique : “J’ai toujours aimé les Jaguar car ce sont des voitures qui me correspondent. Je trouve qu’elles ne se démodent pas et sont généralement très agréables à conduire. Je rêvais d’une Jaguar E, mais comme je souhaitais la garder longtemps, j’ai pensé qu’une XK150, plus haute et plus habitable, serait plus facile à utiliser lorsque je serai plus vieux.” Il a déniché cette Jaguar en Suède, datant de fin 1958. Importée des États-Unis en 2001, elle avait été restaurée tant au niveau mécanique (moteur changé et adapté à l’essence sans plomb) qu’au niveau de la carrosserie. Sa couleur bleu nuit, mettant en valeur ses chromes épais, a séduit Alain.

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Une modernisation réfléchie

Malgré tout le respect qu’on peut avoir pour une XK150, il faut avouer que conduire aujourd’hui cette voiture relève d’un véritable défi, avec sa direction lourde et sa boîte de vitesses Moss qui fait office de chauffage en hiver comme en été. C’est pourquoi Alain a décidé de moderniser sa voiture, sans altérer son esthétique ni sa philosophie, en effectuant des modifications réversibles. C’est son ami Thierry, surnommé “l’ingénieur”, spécialiste des voitures anglaises et propriétaire du garage “L’atelier des anglaises” à Châteauneuf en Vendée, qui s’est chargé de cette modernisation.

Pour faciliter le démarrage, Alain a opté pour un allumage électronique, un alternateur au look rétro à la place de la dynamo d’origine, ainsi qu’un démarreur plus puissant et un circuit électrique plus fiable. Pour améliorer l’éclairage, des ampoules H4 et des clignotants à LED ont été installés. Un ventilateur électrique a été ajouté devant le radiateur d’origine pour améliorer le refroidissement, accompagné d’un circuit d’eau sous pression avec un vase d’expansion. Enfin, une boîte de vitesses entièrement synchronisée avec overdrive de Jaguar XJ-6 a remplacé la célèbre boîte Moss, qui était l’élément le plus vieillissant dans la XK150. Alain explique : “Les vitesses passent en douceur avec seulement deux doigts dans un schéma de changement de vitesse plus précis, avec un régime moteur abaissé de 600 tours par minute, ce qui permet d’atteindre une vitesse de pointe plus élevée.”

Plus sûre, plus agréable

Pour rendre sa XK150 plus sûre et plus agréable à conduire, Alain l’a équipée de ceintures de sécurité, d’un lave-glace électrique et d’une direction assistée électrique qui la rend beaucoup moins lourde, notamment lors des manœuvres, par rapport à la direction d’origine. Il peut ajuster l’assistance de la direction, ce qui a nécessité l’installation d’un volant de diamètre plus réduit que l’original. Sous une apparence semblable à une XK150 d’origine, cette Jaguar offre une expérience de conduite plus plaisante, plus économique, plus fiable, plus sécurisante et plus performante. De nombreux propriétaires de Jaguar de collection procèdent à cette modernisation. D’ailleurs, de nombreuses entreprises spécialisées modernisent des anciennes au niveau moteur pour permettre de rouler au sans plomb, pour améliorer le freinage ou l’allumage. Ce sont les organes qui ont le plus vieilli. Ce phénomène est fréquent chez les marques où il y a une filiation entre les différents modèles, comme chez Mercedes, Alfa Romeo, Ford Mustang, Land Rover, Porsche ou encore les sportives Renault, notamment l’Alpine.

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Le débat entre puristes

Certains puristes s’y opposent vivement, qualifiant cette modernisation de crime contre l’authenticité de la voiture. Ils affirment qu’une ancienne doit rester dans son état d’origine et correspondre strictement à la fiche d’homologation de l’époque. Ils prétendent que cela est illégal et qu’en cas d’accident, un expert n’accordera pas une juste valeur à la voiture. Depuis que les termes “matching numbers” et “matching color” sont devenus populaires, l’argumentaire de la valeur ajoutée a pris de l’importance pour les professionnels de l’automobile ancienne, permettant de vendre à des prix plus élevés des voitures de collection d’origine, en prétendant offrir une traçabilité plus transparente, ce qui n’est pas toujours évident.

Choisir entre sacrilège et partage de la route

Pour ma part, en tant qu’amateur d’automobile ancienne depuis l’âge de 17 ans, à une époque où elles étaient encore appelées “tacots” et ne coûtaient presque rien, je ne partage pas cette vision extrême. Si les modifications n’altèrent ni l’esthétique ni la philosophie de la voiture, et permettent de l’utiliser plus souvent, plus agréablement et en toute sécurité, pour soi-même et les autres usagers de la route, pourquoi pas ? Même si cela peut faire baisser la valeur marchande de la voiture. Lors de mes essais, j’ai souvent constaté que le prix d’une voiture ancienne est souvent inversement proportionnel au bonheur qu’elle procure, surtout depuis que certains commissaires-priseurs, à la verve emphatique, l’affirment. Est-on réellement plus heureux au volant d’une voiture “matching numbers” dont la batterie 6 volts ne démarre pas, que d’une voiture légèrement modifiée, qui démarre grâce à une batterie 12 volts et un démarreur moderne ? Comme dans tous les domaines, l’argent est souvent la fausse monnaie du bonheur, même dans le milieu de l’automobile ancienne.

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